Foreverland
(Divine Comedy Records / PIAS) septembre 2016
C’est toujours un exercice délicat de décrire avec objectivité le nouveau "bébé" d’un ami. Neil et moi ne nous connaissons pas, pourtant il fait partie de mon paysage musical intime depuis bientôt vingt ans, comme beaucoup d’entre nous... Tout au long de ces années ponctuées de dix albums, combien de merveilleuses pépites pop, le petit lutin d’Enniskillen nous aura-t-il distillé ? De "Tonight we fly", en passant par "A lady of a certain age", "Absent friends", "Frog princess" ou encore le magistral "Our mutual friend"...
Le temps fut bien long ces six dernières années (le dernier album Bang goes to the knighthood datait de 2010) et hormis avoir honoré une commande pour le Royal Festival Hall de Londres et quelques concerts à travers l’Europe (dont une légendaire soirée aux Nuits de Fourvière en juillet 2014 où il partagea la scène avec Burt Bacharach), Neil s’est fait discret quant à ses nouvelles compositions. Durant ces six années, l’ami Neil aura ainsi pris le temps de vivre, de prendre soin de ses proches (son père est gravement malade), de trouver dans la dubliner country son paradis terrestre (son Foreverland) avec sa compagne Cathy Davey et d’agrandir sa famille des ânes Wayne et Peanut, des poules, lapins et cochons, tel un Mac Cartney fraîchement séparé des Beatles période RAM. Septembre 2016 marque donc le grand retour de Neil avec ce onzième album Foreverland riche de douze morceaux et de la présence aux chœurs en guest de Wayne.
Les cordes de "Napoleon complex" ouvrent ainsi en fanfare les portes de Foreverland, pop song déjà présente dans certaines éditions bonus du précédent album mais dans une version démo moins aboutie que le chanteur orfèvre a voulu ciseler et peaufiner. Ce onzième album ne déroutera aucun des fans, la majorité des morceaux étant estampillé Divine Comedy AOC ("My happy place", "The one who loves you", "Other people", "I joined the foreign legion"), cette griffe ferait-elle douter Neil qui pose la rhétorique sur la boogie song "How can you leave on my own", dans un style pop 70’s que l’on rêverait d’écouter dans un pub enfumé et gouailleur d’Irlande...
Foreverland se différencie pourtant des albums précédents. La compagne de Neil, Cathy est une figure très présente de cet album tant par l’inspiration des textes "Catherine the great", chanson d’un amour dans laquelle Neil noue le destin de la grande tsarine avec son histoire personnelle inavouée, mais aussi dans l’inspiration du texte (inspiré des activités de secours que Cathy procure aux animaux blessés) du sommet de l’album "To the rescue", fabuleuse lyric song où à grands élans d’envolées de cuivres et cordes Neil nous tire les larmes des yeux, et vient nous confirmer qu’il est devenu outre l’égal de ses références (Scott Walker, Burt Bacharach, John Barry, Brel-Rauber, Gainsbourg-Vannier) une référence lui-même... "To the rescue" va entrer dans le Panthéon très fermé des plus belles et plus grandes chansons lyriques jamais écrites. Neil et Cathy nous offrent également un duo romantique et piquant dans la lignée des duos de Frank and Nancy, ou de ceux de Lee Hazlewood and Nancy Sinatra sur "Funny peculiar". Dans un autre registre plus festif, "The pact" nous replonge dans l’ambiance flonflon du moulin de la galette, du Montmartre du début XIXème, des cabarets de Lautrec, Bruand et la Goulue...
"J’ai voulu que ce disque baigne dans une atmosphère légèrement impériale. Comme un album pop enregistré au XVIIIème ou XIXème siècle, avec un côté opulent, sans pour autant me prendre pour Beethoven".
Foreverland n’aura peut-être pas la même résonance que purent connaître certains de ses albums passés tels Promenade ou Casanova, néanmoins la cuvée Neil 2016 est un nectar précieux, une douce madeleine de Proust, à consommer avec précaution et délicatesse.
# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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