Comédie dramatique de Elie-Georges Berreby, mise en scène de Geneviève Rozental et Jérôme Tomray, avec Gil Geisweiller, Anaïs Gabay et Sébastien Faglain.
Pour traiter, sous le titre "La Kabbale selon Aboulafia", d'un sujet théologique, celui de la Kabbale, méthode d'épanouissement personnel basée sur la connaissance de Dieu issue de l'étude des textes sacrés hébraïques, et plus précisément des préceptes du kabbaliste médiéval Abraham Aboulafia, le romancier et dramaturge Elie-Georges Berreby a procédé à la réussie combinatoire de faits historiques, d'une vulgarisation intelligente et d'une fiction théâtrale.
Alors qu'Aboulafia approche de Rome pour rencontrer le pape Nicolas III et plaider la pertinence de sa doctrine, au demeurant anthropocentrique, qui s'avère en opposition avec le dogme traditionnel et sape l'autorité des hiérarchies religieuses, un personnage singulier et duel vient à sa rencontre pour le dissuader de son entreprise en raison de sa condamnation pour sorcellerie délivrée ce dernier avec l'approbation des dignitaires juifs.
Une jeune patricienne érudite et admirative de son oeuvre, qui se trouve être la nièce du pape, lui propose protection dans un couvent, gîte et couvert s'il accepte de lui livrer ses secrets afin de préparer, et rendre invincible, le prétendant au trône pontifical qui n'est autre qu'elle-même, dévorée par l'ambition de régner sur les peuples, qui a, par travestissement, accédé au cardinalat.
Plaçant leurs entretiens sous le signe de la discussion, la confrontation et la transmission entre maître et disciple et insérant une inattendue intrigue, Elie-Georges Berreby aborde, sans verser dans le didactisme ennuyeux, les grandes lignes de gnose aboulafienne, dont, et entre autres, l'ascèse physique, la méditation des lettres et des nombres et la transcendance comme discipline menant à la béatitude et au dépassement de la condition humaine pour s'élever à celle de Messie, la prééminence de la connaissance à l'observance des rites.
Geneviève Rozental et Jérôme Tomray assurent une mise en scène sobre dans une scénographie épurée de Jean Bauer qui, avec les belles lumières de Charly Thicot et trois pièces de mobilier au design minimaliste, une table faisant office aussi bien de geôle que de trône pontifical, évite le pittoresque anecdotique avec la valeur ajoutée du décor approprié du studio mauresque du Théâtre de l'Epée de Bois.
Au jeu, aux côtés de Sébastien Faglain qui campe le frère convers faisant office de candide dont les interventions-intermèdes apportent une note de comique tempéré, Anaïs Gabay, comédienne solaire, et Gil Geisweiller, au physique de prophète, portent, et animent avec justesse et une éloquence sensible, le débat érudit sous-tendu par la fantaisie fictionnelle ressortant au registre du théâtre de conversation.
Tous assurent la réussite de ce spectacle qui, pour le moins, constitue, pour les néophytes curieux, une introduction synthétique à la Kabbale.
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