Comédie d'après Pierre Corneille, mise en scène de Jean-Philippe Daguerre, avec Manon Gilbert, Kamel Isker (en alternance Thibault Pinson), Charlotte Matzneff, Alexandre Bonstein (en alternance Didier Lafaye), Stéphane Dauch, Edouard Rouland (en alternance Johann Dionnet), Christophe Mie, Sophie Raynaud, Yves Roux, Mona Thanaël et les musiciens Petr Ruzicka et Antonio Matias.
En Espagne, au royaume de Castille, deux jeunes gens : Chimène et Rodrigue s’aiment d’un amour sans nuages. Mais en voulant venger l’honneur de son père, Rodrigue tue en duel d’un coup d’épée son offenseur : le père de Chimène… Tout le monde connaît le point de départ de ce qui est sans doute l’un des plus célèbres classiques écrit par Pierre Corneille, fortement inspiré d’une pièce de Guillén de Castro (ce qui lui valut même une accusation pour plagiat) et créé en 1637. "Le Cid" fût surtout immortalisé par Jean Vilar et la troupe du TNP, avec Gérard Philippe dans le rôle-titre, en 1951. Après avoir déjà bâti de nombreux succès classiques avec Le Grenier de Babouchka, Jean-Philippe Daguerre s’attaque cette fois à ce monument du théâtre où l’amour s’oppose au devoir et en propose une version quelque peu modernisée et moins emphatique mais néanmoins appliquée et respectueuse de l’œuvre, notamment des alexandrins. Pour garantir le succès de son entreprise, il conçoit une mise en scène classique mais s’autorisant à partir parfois dans un humour déjanté (les scènes avec le roi), intégrant d’impressionnants combats d’épée (magnifiquement réglés par Christophe Mie) et incluant la musique sur le plateau.
Présents en permanence en fond de scène de part et d’autre du blason, seul élément de décor du spectacle, Petr Ruzicka (violon et compositeur de la musique) et Antonio Matias (accordéon) accompagnent le spectacle avec virtuosité et sobriété, y créant l’atmosphère. De même, les costumes impeccables de Virginie Houdinière sont tout à fait évocateurs. Sur scène, le couple central, joué par les jeunes Kamel Isker (en alternance avec Thibault Pinson) et Manon Gilbert, est touchant tout en traduisant à merveille la fougue et le sens de l’honneur des deux personnages. On n’a pas l’habitude de voir ces rôles joués avec autant de justesse et de modernité. On suit avec plaisir cette version de la tragi-comédie de Corneille non dénuée de panache ni de morceaux de bravoure, telle la scène d’un roi extravagant en danseur classique affublé d’un défaut de prononciation (formidable Alexandre Bonstein - en alternance avec Didier Lafaye) ou des combats de Rodrigue face à Don Gomès puis à Don Sanche (Stéphane Dauch et Edouard Rouland, impressionnants). Le reste de la troupe est à l’unisson car une autre grande qualité du spectacle est d’avoir réuni une équipe homogène de comédiens aussi crédibles que dynamiques. On remarquera donc également la fragilité de Charlotte Matzneff (L’infante), la sobriété de Mona Thanaël (Léonor) ou la grande variété de jeu de Sophie Raynaud (Elvire). Chez les hommes, on notera l’efficacité de Christophe Mie ou d’Yves Roux (saisissant Don Diègue). Et le public adhère à cet enthousiasmant spectacle populaire ! |