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Mystère  (Barclay)  septembre 2016

"La France a peur. Je crois qu'on peut le dire aussi nettement. (...) Oui, la France a peur et nous avons peur, et c'est un sentiment qu'il faut déjà que nous combattions je crois."

A moins de vivre reclus dans un monastère à la recherche d’une paix intérieure et si vous vous intéressez un tant soit peu à la musique, vous ne serez pas passé à côté du phénomène, de la tourmente médiatique autour du groupe Français La Femme. Un emballement symptomatique de notre époque et de la volonté de générer du bouillonnement, de trouver de nouveaux sauveurs au rock, comme s’il avait besoin d’être sauvé… Alors OK, c’est le marronnier du magazine qui était inrockuptible et qui maintenant fait de la politique de comptoir et des billets durs au consensus mou, La Femme succédant ainsi à par exemple Christine and the Queens, Woodkid ou encore Fauve, remarquons ici les exceptionnelles révolutions musicales qu’auront eu ces deux groupes sur la musique.

Mais soyons sérieux deux secondes, il est évident qu’ils ne sont pas l’avenir du rock, ou le rock est bien mal barré, si tant est qu’il ne soit pas déjà mort, et j’imagine qu’eux même ne pensent pas l’être une seule seconde, ou alors il faut arrêter la coco. Avant de figurer l’avenir de quoi ce soit, La Femme connut surtout pour un tube : "Sur la planche" et un premier album Psycho Tropical Berlin en 2013 bousculant le cocotier de la pop Française et montrant un groupe à la recherche de sensations représente surtout le présent, ou une certaine idée du présent, en une sorte de best of.

D’abord musical : de larges accointances eighties, un mélange des genres musicaux (synthpop, musique surf, chansons yéyé, glam, cold wave…), en cachant sous un faux bordel quelque chose de très calibré et réfléchi : la façon de s’habiller (avec l’aide d'Aymeric Bergada Du Cadet), l’artwork (entre le floutage de la pochette de Le podium rappelant la censure des réseaux sociaux, Libérator). Mais également sociétal : en cultivant ce côté nonchalant voire je-m’en-foutiste que l’on considère si typique de la génération internet, d’une jeunesse désabusée, à la recherche de repères amoureux, sexuels et spirituels ("Où va le monde", "Elle ne t’aime pas", "Le vide est ton nouveau prénom", "Psyzook") qu’ils représentent, ou en tout cas dans son versant chic et choc.

"Mais où va le monde ? Pourquoi chaque fois que je veux bien faire, les choses virent toujours de travers. Pourquoi les gens se mentent ? Pourquoi les gens se trompent ? Est-ce que toi aussi, des fois, tu te demandes pourquoi la vie est si compliquée, surtout quand deux personnes s'aiment et qu'ils semblent être bien ensemble, ça paraît si facile, alors, comment ça se fait qu'à chaque fois, ça finit en pleurs"

Si le disque était sorti à une autre période de l’année, nous aurions sûrement évité tout ce cirque pour un groupe qui, finalement, divise depuis ses débuts et d’autant plus depuis qu’il obtient un certain succès, et chez nous on est méfiant vis-à-vis du succès, ou jaloux. On a toujours préféré ce looser de Poulidor à ceux qui gagnaient. Surtout La Femme mérite-t-il cet engouement ? Forcément oui et non.

Déjà parce que derrière le côté branleur et impertinent, il y a une véritable ambition et un désir de maîtrise totale. Une ambition globalement assumée et maîtrisée, au moins en studio, ce Mystère est plutôt globalement pas mal du tout, sur scène nous dirons pudiquement que c’est moins vrai. Un album voulu comme un périple, dense, multiple, foisonnant, pléthorique et généreux (euphémisme), avec de vrais ratés, on évitera soigneusement "S.S.D", la version électro clash Elmer Food Beat "Tatiana", "Exorciseur"), des éclairs divins (les entêtants "Sphynx" et "Où va le monde" et son travail rythmique, le malin "Septembre", le très beau "Al Warda"), de l’étrange ("Vagues", le bonus track Always in the sun, Le chemin) et quelques facilités ("Le vide est ton nouveau prénom" et ses codes Morriconiens enfilés comme des perles, "Mycose", "Tueur de Fleurs"). De la musique de genre comme il existe du cinéma de genre. Avec un esprit punk. Profondément bordélique mais jouissive. Une musique qui s’écrit au présent, en fonction de la vie (tumultueuse ?) et des envies du groupe, où La Femme aurait plusieurs visages, plusieurs voix qui se croisent derrière le micro aux côtés de Marlon Magnée et Sacha Got et de Clémence Quélennec. On retrouve Clara Luciani et Jane Peynot, Ambre Hazlewood, Angela Hureau, Sarah Ben Abdallah, Mathilde Marlière ou Naomi Greene.

Ce disque porte finalement bien son nom. C’est peut-être pour cela qu’il clive tant dans ses arcanes, et c’est tant mieux d’avoir aussi des groupes qui ne soient pas lisses, parce que La Femme est tout sauf lisse. C’est bien d’avoir un groupe qui fait (grosso modo) de la pop intéressante loin de toutes chapelles musicales et autres barrières en chantant en Français, même si parfois il se plante en jouant avec les lignes (blanches) du ridicule ou du vulgaire. Ce disque ne changera pas la face du monde mais il est plutôt bon et ne mérite aucun cas ces critiques souvent assassines, agressives ou vulgaires alors apprécions-le à sa juste valeur, ni plus ni moins…

"Allez réveille-toi montre-leur que personne ne choisira pour toi la place que tu occuperas dans cette société" ("Septembre")

 

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En savoir plus :
Le site officiel de La Femme
Le Bandcamp de La Femme
Le Soundcloud de La Femme
Le Facebook de La Femme


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