Comédie dramatique de Santiago Carlos Ovés et Jordi Galcerán, mise en scène de Pietro Pizzuti, avec Jacqueline Bir et Alain Leempoel. Au départ, "Conversations avec ma mère" était un joli film argentin de Santiago Carlos Ovés. Il est devenu, par la grâce de Jordi Galcerán, une pièce de théâtre espagnole efficace et émouvante, excellemment adaptée en français par Dyssia Loubatière D'abord, il faut bien insister sur un point-clé : il ne s'agira pas ici du portrait de la énième mère possessive latine ou orientale, comme on en a vu et revu, pour le meilleur, le pire ou le rire, décrites en général dans des seuls en scène, mais aussi parfois dans des pièces utilisant le tamis de la psychanalyse. Ce sera d'ailleurs la deuxième spécifité de "Conversations avec ma mère" : bien que d'origine argentine, pays que l'on dit parfois paradis des psychanalystes, la pièce utilise très peu ce filtre, pas plus que celui de l'orthodoxie catholique, comme elle le démontrera dans sa seconde partie. Non, dans "Conversations avec ma mère", les deux protagonistes sont dans une belle interaction, une nécessité vitale de se parler, quitte à se chamailler. Et puis, ils ne sont pas dans la nostalgie d'un passé enfantin rêvé pur et parfait à mesure qu'ils s'en sont éloignés. Leur relation connaît de nouveaux épisodes et dans le moment choisi par Jordi Galceran, Jaime, le fils, est en train de perdre ses repères en perdant son travail. Mais sa mère, en lui annonçant un grand et inattendu changement dans sa propre vie, ne le plaint pas comme on y s'attendrait. Dans ses échanges mère-fils pleines de drôleries et de vacheries, il n'y a pas de place pour la complaisance et c'est ce qui rend beau ce duo qui s'aime profondément. "Conversations avec ma mère" bénéficie aussi d'un énorme plus : deux acteurs totalement investis dans le projet, deux acteurs belges d'une grande finesse que leur metteur en scène Pietro Pizutti a pu emmener jusqu'à l'intime. Si Alain Leempoel est un fils fragilisé, Jacqueline Bir est une mère va-t-en guerre, décidée, pleine de vie même en partance pour l'au-delà. Actrice aux deux cents rôles sur les planches, forte de ses cinquante ans de théâtre, c'est peu dire qu'elle a une présence extraordinaire, un charisme comme on en voit peu.
Dans l'écrin dessiné par Delphine Coers, censé représenter l'intérieur de l'appartement de la vieille dame, on assiste complice à ce petit bout de vie, parfois tendre, parfois impertinent. La fin est très joli et arrache quelques larmes. Ceux qui craignent le thème, il faut le répéter, auront tort de se priver de ce moment qui leur fera penser forcément à des êtres aimés. |