Le bon rock n’est pas français, John Lennon nous l’a bien dit. Difficile de lui donner tort quand on réécoute le rock français de l’époque, mais force est de constater que le rock est mort et ressuscité plusieurs fois depuis. Melissmell l’a d’ailleurs chanté, faisant siens les mots de Guillaume Favray - qui participe aussi à l’album dont je vais vous parler.
On le sait bien, rien n’est plus dangereux qu’un français à qui on dit qu’il n’a aucune chance. Alors, à la manière d’une équipe de foot tricolore conspuée par une horde de journalistes sportifs qui n’ont plus tapé dans un ballon depuis le brevet des collèges, les musiciens français se sont approprié le rock sans renier la chanson, ils se sont accaparé son énergie pour lancer leurs mots plus fort, plus haut, pour donner naissance à cette branche du rock qu’on appelle rock français, faute de mieux. Un rock littéraire et engagé, un rock dont la puissance sert la révolte, un rock qui grandit aujourd’hui d’une nouvelle pierre : L’Ankou de Melissmell.
Play >
"1, 2, 3, j’irai dans les bois…"
Détournement de comptine. Invitation malicieuse, l’air de rien, à prendre le maquis. Vous avez demandé la colère ? Ne quittez plus. Melissmell passe en revue un monde qui s’autodétruit, qui se gonfle de vanité, elle frappe là où ça fait mal. Un peu partout à vrai dire. Notre époque ne manque pas de révoltes, elle manque peut-être seulement de révoltés. Mélanie Coulet, de son vrai nom, jette ses mots d’une voix rauque et on sent la vérité, l’honnête rage, cette franchise qu’on prend dans la gueule et ça fait tellement de bien qu’on en veut encore, plus fort. Fric, terreur, gâchis, religion ou "ce foutre qui vous dévore", tout est là, tout est lié.
Le son est dur, dépouillé de tout artifice, net et tranchant à l’image des textes et de la voix. Au-delà du classique trio guitare, basse, batterie, quelques synthés et boîtes à rythmes viennent remplir un espace sonore sobre qui flirte parfois avec le son des années 80, rock de la contestation. Un rock qui connaît ses classiques et sait faire appel à notre inconscient collectif pour mieux nous parler d’aujourd’hui. Entourée de Matu (Mano Solo), Daniel Jamet (Mano Negra), Bruno Green (Détroit), Bayrem Ben Amor, Melissmell a su composer une équipe et un écrin pour ses chansons.
Dix chansons entrecoupées de cinq comptines vraiment pas enfantines. Cinq moments hors du temps qui structurent le discours de "La clé" aux "Adieux", dix titres puissants où la violence peut aussi laisser place à la douceur ("La noyée", "Ma petite étoile noire"), toujours profonde.
[] Stop
Plus qu’un chant révolutionnaire, c’est une invitation à se battre, un appel à cette mort qui symbolise la renaissance, un défi lancé à l’Ankou, la faucheuse dont on entend grincer la charrette tard dans la nuit.
Adieu poète… Adieu l’enfant… Adieu l’espoir… Adieu les fous… Adieu ma chair...
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.