"Here’s our story, my eyes are blurry but please don’t worry"…
Après une très belle rencontre en juin 2015 avec un concert au pied levé, la chanteuse et musicienne Yael Naim, son double David Donatien (nous pourrions parler de duo tellement la participation de Donatien est importante à la musique de Yael Naim) et le Quatuor à cordes Debussy se retrouvent le temps d’une tournée de quelques dates.
C’est avec une grâce incroyable que se mêlent les cordes : du quatuor, du piano, de la guitare et celles vocales de la chanteuse Israélienne et qu’ils réinterprètent avec beaucoup d’intelligence musicale, en soulignant et non en surlignant, le répertoire de la chanteuse, de ses premiers albums à son dernier et superbe Older, disque somme de ce qu’elle est avec ses joies et ses cicatrices. Pour ce concert, on ne parlera pas de cohésion mais d’osmose entre les musiciens. Et avec le public, cela coule presque de source.
Sous les tons de rouge d’or et de blanc, les décors de stucs, les ornements et les statues, Yael Naim nous prouve qu’elle est une très grande voix capable de tout chanter : du blues, du jazz, de la pop ("Crazy" de Gnarls Barkley ou à rendre encore plus toxique le "Toxic" de Britney Spears) ou du classique (Purcell n’est jamais très loin… cf le titre "Coward" dans son dernier opus) mais qu’elle est assi musicienne, alternant les instruments allant du piano, à la guitare en passant au marimba cinq octaves qui, entre parenthèses, n’était vraiment pas terrible, à qui appartient donc cet instrument en ruine incapable de sonner dans les graves ?
Multi-instrumentiste certes mais la voix tient une place centrale dans sa musique. Et que c’est beau quand elle chante seule avec son instrument, nue sans artifice ! De son côté, le quatuor Debussy offre une prestation forcément superbe, d’une très belle homogénéité dans les couleurs sonores. Le choix de ce quatuor n’est pas surprenant quand on connaît leur ouverture d’esprit et leur goût pour les aventures musicales (Bach to jazz leur rencontre avec le duo de jazz belge composé du bassiste Jean-Louis Rassinfosse et du pianiste Jean-Philippe Collard-Never…).
Le concert est fait de moments rares et intenses, mention spéciale pour "Make a Child", "Walk Walk", "Go To The River", "Meme iren", "Dream in my Head", "Ima", "Coward", et la musique nous envahit, nous submerge dans une vague salvatrice. Les arrangements donnent à la chanteuse de quoi laisser éclater sa voix, sans que jamais celle-ci ne tombe dans un certain maniérisme ou dans l’excès rappelant les grandes chanteuses que pouvaient être Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Bessie Smith ou Sarah Vaughan. Les émotions, le bonheur est palpable, sur scène comme dans le public…
Yael Naim symbolise le métissage multiculturel. Qui actuellement est capable de chanter le blues de cette manière en vous agrippant à la gorge, de maîtriser les allants du jazz, de se laisser aller aux accents de la pop ? Jeanne Added, Cécile McLorin Salvant ? Elles ne sont pas nombreuses. Yael Naim représente ce mélange des genres, des peuples, et illustre parfaitement le sens du Nancy Jazz Festival qui marie avec maestria jazz, blues, pop et musique électronique. Un moment étourdissant. Et puis un concert où nous avons la chair de poule tout du long ne peut être qu’un excellent concert, non ?
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