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Park Chan-Wook  novembre 2016

Réalisé par Park Chan-Wook. Corée du Sud. Drame. 2h25 (Sortie le 2 novembre 2016). Avec Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri, Jung-Woo Ha, Jin-Woong Cho, Kim Hae-Sook et Sori Moon.

Park Chan-Wook n’est pas réputé pour faire dans la modération. Ces derniers films laissaient pleinement voir son goût pour les débordements de toutes sortes dans des mises en scène parfois à la limite du baroque.

Mais le cinéaste coréen ne se risque pas non plus vers le mauvais goût, et le foisonnement des idées se double d’un grand soin formel qui confère à ses films une beauté troublante.

Ce soin est bien sûr manifeste dans ce grand genre qu’est le film à costumes ; on pourrait parler longtemps de la minutie avec laquelle Park Chan-Wook reconstitue un monde, celui de la Corée, mâtinée de Japon, des années 1930.

Tout dans le cadre est séduction pour l’œil, des soies finement tissées aux robes délicates des personnages féminins. Tout y fait appel au toucher : le cuir des gants de "Mademoiselle", celui des livres rares et précieux que collectionne son oncle, celui des chaussures que la jeune servante serre contre son cœur…

L’histoire est à l’image de ce raffinement suprême, et se déploie en trois parties, à la manière de ces fleurs japonaises qui, nous dit Proust, s’ouvrent à mesure que l’on verse de l’eau dessus.

Mais ce monde raffiné est également trompeur, car toutes ces sophistications servent en fait aux desseins pervers d’un vieux collectionneur coréen, qui enferme avec lui sa famille et ses livres dans le mausolée splendide qu’est sa demeure éloignée du monde. Cette maison est d’ailleurs l’un des personnages centraux de l’intrigue.

On se souvient qu’il y a un an, Guillermo del Toro nous proposait un impressionnant manoir, étouffant peu à peu dans une glaise rouge comme le sang. Dans "Mademoiselle" comme dans "Crimson Peak", la maison est un être qui respire, et qui abrite dans ses entrailles les secrets de ses propriétaires. Ainsi, la demeure où Mademoiselle vit en recluse voit se dérouler d’étranges cérémonies sexuelles et mortifères.

Le lien avec Sade n’en est que plus évident : sous la pièce qui accueille les hommes, avides d’entendre des histoires érotiques racontées et mimées par une belle jeune femme, le collectionneur dissimule une chambre des tortures, donnant libre cours au fantasme sadien qui associe sexualité et mort. Le plaisir naît d’abord de la possession d’un être soumis entièrement à ses désirs, la possession ultime ne pouvant être que le meurtre.

Cette question de la domination est bien au cœur du film. C’est d’abord la domination raciale, celle que les Japonais font subir aux Coréens - le film joue constamment sur les deux langues pour formuler les rapports hiérarchiques entre les personnages - ; c’est ensuite la domination économique, puisque le point de départ du film est l’arrivée d’une servante coréenne dans une vaste demeure.

Elle y a pour mission de s’occuper de "Mademoiselle", une belle et mélancolique créature qu’un oncle jaloux enferme entre quatre murs en espérant un jour pouvoir l’épouser et ainsi mettre la main sur sa fortune. La domination est enfin, comme nous l’avons vu, sexuelle. Les hommes, au début du film, cherchent à prendre pleinement possession du corps des femmes.

Le jeune Coréen parvenu qui fait rentrer la servante dans la maison, afin de l’aider à séduire la riche Mademoiselle, se permet sans cesse des gestes déplacés sur toutes les femmes qu’il rencontre. Et que dire du cercle des "amoureux de lecture" qui se réunit pour écouter les lectures de Mademoiselle ?

Ce thème de la domination, passant par la figure de la servante, est extrêmement important dans le cinéma coréen. On se souviendra entre autres du film d’Im Sang-Soo, "The Housemaid" (2010), lui-même adapté d’un classique coréen des années 1960.

En transformant le personnage de la servante, qui de jeune fille perverse devient une jeune femme exploitée par une riche famille, Im Sang-Soo proposait une lecture très noire des rapports de classe qui s’achevait dans un final gothique assez proche d’Edgar Poe.

Mais cette fois, le jeu des alliances basculent. Park Chan-Wook imagine une union - physique et spirituelle - entre ces deux opprimées que sont la servante et Mademoiselle. La vengeance, thème d’une trilogie plus ancienne du cinéaste, est bien présente. Mais elle n’est pas uniquement défoulement de la haine, elle est également moteur d’une émancipation réelle des deux femmes.

Cette émancipation passe par diverses formes de reconquête. La première est bien sûr la conquête d’un nouvel espace. Les femmes, dans un moment d’ivresse, quittent enfin la maison et ses perversions vers la liberté.

Mais cette liberté ne saurait exister sans la (re)découverte des pouvoirs de son propre corps de femme. Les héroïnes reprennent de plein droit ce que les hommes avaient voulu à leur confisquer : la possibilité chercher leur propre plaisir, sans eux si elles le désirent.

Alors que la relation de pouvoir est au centre des livres érotiques lus par Mademoiselle, Park Chan Wook prend soin de filmer les scènes amoureuses entre les deux femmes comme des moments d’échanges, de réciprocité parfaite qu’exprime visuellement l’organisation symétrique des éléments et des attitudes à l’intérieur du cadre.

Il ne s’agit pas d’une relation narcissique, où chacune chercherait dans l’autre son propre reflet, mais au contraire de l’expression d’une union parfaite, fondée sur l’attention à l’autre. Le sexe n’a alors plus rien à voir avec les sinistres livres du vieux collectionneur. A la mort qui était le corollaire de la sexualité, les deux héroïnes opposent leur force de vie intense.

 

Anne Sivan         
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