Réalisé par Maud Alpi. France. Drame. 1h40 (Sortie le 16 novembre 2016). Avec Virgile Hanrot et Dimitri Buchenet.
En filmant en 1949, "Le Sang des bêtes " de Georges Franju avait sensibilisé les Français d'après-guerre sur les abattoirs, en particulier celui de La Villette, et commencé à initier une réflexion sur la condition animale.
Désormais, on sait ou ne veut pas savoir ce qu'est une chaîne d'abattage et comment se passe la mise à mort des animaux d'élevage.
"Gorge Cœur Ventre" de Maud Alpi n'est pas un film qui recherche des images chocs, mais à décrire - le plus humainement possible - ce qui se passe de l'arrivée des bêtes sur les quais de déchargement jusqu'au dépècement de la peau du cadavre de l'animal abattu.
Elle est dans ce qu'on appelle la "Zone sale " et son film prend vite une dimension fantastique, transformant le réel en quelque chose d'indéfinissable. Ici, les bruits perçus, la pénombre, les cris des animaux, les gestes des garçons qui poussent les bêtes dans un dédale de couloirs avant qu'elles n'atteignent la chaîne abattage, créent une atmosphère que certains spectateurs risquent de mal supporter car elle n'est pas vraiment contrebalancée par une ouverture vers un ailleurs plus idyllique.
Ceux qui surmonteront cette ambiance dérangeante, parfois glauque, mais jamais gratuitement dérangeante et glauque, admettront que la réalisatrice a son univers et qu'elle cherche, peut-être encore malhabilement, la voie trop souvent oubliée par ses confrères vers une poétique des images.
Attention ! "Gorge Cœur Ventre " de Maud Alpi n'est pas à proprement parler un documentaire puisqu'elle suit le jeune bouvier qui accompagne les bêtes avant leur supplice et qu'elle le montre en compagnie de son compagnon, et de son chien qui a une grande importance dans son récit...
La vie de ses deux marginaux cherchant un sens et de la beauté à leur vie et devant passer par la case abattoir ne laissera pas plus indifférent que la cause animale
Dans un cinéma français trop calibré et trop prévisible, Maud Alpi crée une brèche. Si son film pourra révulser quelques spectateurs, il en intriguera de nombreux. Quoi qu'on en pense, il ne faudra pas le réduire à la simple et évidente dénonciation du sort des bêtes, qui renverrait aussi l'humain à sa bestialité.
Il y a dans "Gorge Cœur Ventre " de Maud Alpi une aspiration à une transcendance, métaphysique ou poétique, qui résonne longtemps. |