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Tears behind the stars  (Gonzaï Records)  novembre 2016

On aime Paul Winslow pour de nombreuses raisons. Pour sa musique entre héritage des années 60 et musique planante des années 70, le tout enrobé de groove et d’un certain dandysme d’abord et forcément. Foncièrement. Et depuis longtemps, quand il sortait quelques titres au compte-gouttes sur Soundcloud ou ailleurs.

On l’aime aussi pour sa farouche envie d’indépendance, pour les valeurs qu’il défend envers et contre tout. Cette façon d’envisager comment faire de la musique, comment la transmettre et de la diffuser aujourd’hui… Des valeurs, de la passion, une façon de faire qui détonne de nos jours et qui lui ont mis paradoxalement des bâtons dans les roues.

Nous l’aimons enfin aussi pour l’exigence, pour l’ambition musicale qui l’anime et la maîtrise qui en découle. Hors du système et des sentiers battus, Paul Winslow c’est d’abord un parcours musical : "J'ai toujours écouté beaucoup de musique chez moi grâce à mes parents mais j'ai véritablement commencé la musique assez tard, vers quinze ans. J'avais un copain plus vieux que moi, chez qui je squattais tous les week-ends. C’était le fils de Michel Pelay, le batteur de Dutronc à la grande époque "Cactus" (compositeur ensuite de Delpech, Chamfort, etc.) qui possédait un home studio bourré de synthés et qui travaillait à domicile, ce qui me fascinait totalement. Ce même copain m'a montré les rudiments de la batterie et du piano, puis un autre pote (fan de Neil Young et de Lennon) m'a donné envie d'apprendre la guitare l’été suivant. Mais j'ai appris seul en un sens, en autodidacte, relevant toute la journée des grilles d'accords, et toutes les chansons possibles".

Après plusieurs petits groupes de lycée, jouant essentiellement des covers 60’s, 70’s ou grunge, Paul s’oriente rapidement vers d’autres instruments selon ses écoutes du moment (allant de la World music au rock alternatif de La Mano Negra). "C'est en terminale que j'ai monté un groupe qui a marchouillé pas mal et m'a fait signer un premier contrat avec un prod indépendant, alors que je m’orientais vers des études de philo. J'écrivais la majorité du répertoire, on se rêvait en Specials à la française et on a fait beaucoup de scènes (3 fois les Franco dont un 14 juillet à Saint-Jean-d'Acre devant 12.000 personnes, grâce au chantier des Francos). On a aussi gagné le festival Emergenza, jouant au Gibus, New Morning, Elysée Montmartre, Disney Village, devant un public de plus en plus nombreux. Mais l’histoire s'est arrêtée net au bout de trois ans car le chanteur s'est fait débaucher par Universal et a tout planté du jour au lendemain. Ma première déconvenue face à l’industrie, et pas ma dernière".

Paul devint ensuite musicien pour Carlos de Nicaragua (que La Mano Negra avait ramené dans ses bagages à Paris) puis dans d'autres formations de musiques latines, en tant que pianiste. "Une discipline que j'ai adorée et qui m'a appris beaucoup de choses rythmiquement mais aussi harmoniquement. Dans la salsa, on croise de supers musiciens, les morceaux sont très bien construits, c’est une sorte de musique classique dansante pour moi et ça le restera toujours".

Mais l’écriture lui tenait sans doute trop à cœur et s’intéressant de plus en plus à la production urbaine, Paul s’équipe de samplers, workstations et commence une nouvelle vie de beatmaker dans le hip-hop. "C’était une musique nouvelle, vraiment intéressante à l'époque, ça me passionnait énormément et ça m'a finalement appris la production en solo. J'ai œuvré pour 357 Records, EMI Music Publishing, et des groupes comme les Xmen, Joe Luccaz, Killa Carltoon, et même Sergent Garcia. C’est aussi à cette époque que j’ai commencé des synchro pub (Orange, Perrier)".

Mais la musique n'était pas tout malheureusement. "Les rappeurs ça m'a vite gavé le jour où je me suis rendu compte qu'ils n'étaient pas des punks, et voulaient vivre comme ce qu'ils dénoncaient. Ils en avaient rien à foutre de la musique au fond. Ce n’est pas comme aux states ici. Zéro héritage. J'ai arrêté net".

Pour l’aider, un copain lui confie ensuite la régie son du Théâtre des Bouffes du Nord (qui appartenait encore à Peter Brook). "On y faisait beaucoup de musique classique le lundi et j'ai pu côtoyer de grands musiciens classiques. D’incroyables comédiens aussi, de grandes œuvres. J’avais les clés de la boutique, cet endroit m’a laissé un souvenir impérissable. Ca m’a aussi recadrer artistiquement en un sens. J’avais oublié l’art, le jeu, la pureté du geste même devant 20 personnes. C'est à partir de ce moment là que j'ai fait ma musique personnelle".

Le manager du groupe EZ3kiel le contacte via Myspace et le mène jusqu'à Jean-Louis Brossard qui lui fait immédiatement ouvrir les Transmusicales de Rennes. Des propositions tombent alors, de la part de ceux que Paul appelle ironiquement "les faux labels indépendants". "Je préfère encore les gens des majors, ils sont clairs. Pas plus faux culs que les gens de cet intermédiaire pseudo indie, qui se la jouent cool pour te faire signer des contrats merdiques, et qui en fait rêvent de faire la même chose que les grosses boîtes dont ils viennent". Après deux ans de négociations, Paul ne signera pas le contrat qu’on lui propose. "Heureusement un éditeur de chez Warner m'a beaucoup aidé ensuite en me faisant un peu travailler en tant que compositeur, pour que je continue à faire ma musique perso en parallèle. Un mec vraiment super pour le coup  qui m’a aidé à tenir bon psychologiquement. J’étais six pieds sous terre".

Un parcours qui forge un musicien et donne quelques indications sur ce qu’est devenue la production musicale Française. Paul Winslow aurait pu arrêter là, mais heureusement en plus d’avoir des valeurs il a une certaine pugnacité.

"Lassé de tous ces gens qui sont bons qu'à te donner des complexes dans la seule idée de te formater, j'ai opté pour une solution direct to fans sans me poser de questions, notamment au travers des réseaux sociaux. Une solution pour me sortir d’un système qui allait me dégoûter totalement de ma passion. J'ai sorti une première version de Tears behind the stars il y a pile un an sur Bandcamp, puis un deuxième album Sueño Playa avant l'été 2016 que je voulais comme un simple goodies estival mais qui a séduit pas mal de gens aussi, notamment la presse musicale. 30 morceaux en l’espace d’un an".

Aujourd'hui son premier disque est sorti physiquement grâce à Albert Potiron (beaucoup plus qu’un journaliste rock à ses yeux), chez Gonzaï Records qui l'a réédité en version courte. "Je travaille à la suite (j'ai des propositions, j’y réfléchis), je commence à produire des gens qui m’intéressent aussi, puis j'aimerais récupérer des moyens pour faire de la scène et défendre tout ça en public. Je dois me manager en quelque sorte. On demande énormément de choses à un artiste de nos jours, je crois que les gens ne se rendent pas bien compte de ce que sont nos vies et comme on bosse pour trois queues de cerise".

Le musicien Français n’est donc pas un lapin de six semaines. Sa musique, il a eu le temps de la peaufiner et de la maîtriser. Une maîtrise dans l’écriture mélodique, comme si on avait envoyé les Kinks faire un tour de danse dans l’espace. Mais une maîtrise technique également. "La création musicale me passionne et je suis surtout passionné par le studio pour dire vrai. C'est ce qui m'excite quand j'écoute un disque : les couches, les couleurs, les arrangements, les évocations historiques. Je me sens plus proche d'un réalisateur de cinoche indé, d'un petit peintre, d’un Kurt Schwitters qui joue avec des bouts de ficelle et les codes de la musique pop. Le nom Winslow vient de Phantom of the Paradise qui est la fresque ultime faisant référence à tout cela : les groupes guimauve, le glam, le producteur cinglé à la Phil Spector)."

Des références qui se ressentent tout le long de Tears behind the stars. "J'aime aussi une forme d'imperfection. Aujourd'hui l'ordinateur a changé beaucoup de choses et tout le monde peut sonner archi carré avec des coups de ciseaux, des logiciels comme Pro Tools, etc. Et tout cela est très lisse au final, très aseptisé. Sans parler de cet abominable Auto-Tune. L'important pour moi est de remettre l'artisan et donc l'être humain au centre des débats. C'est même plus large que la musique, c’est le défi de ce nouveau siècle je pense. On ne doit pas céder face à l'uniformité, l'algorithme et surtout un marketing poussif, has been et qui rend les gens totalement nihilistes et cinglés. C'est ma modeste forme de néo-romantisme aussi, un peu comme au XIXème où des gens comme Beethoven ont décidé d'écrire ce qu'ils voulaient, quand ils voulaient, de s’affranchir, et non plus d'être au service d'un système, d'une chapelle etc. l'être humain et sa volonté propre avant tout. C'est l'essence du romantisme. C'est d'ailleurs ce que j'aime dans la musique des années 60 qui s’en revendique, dans les Beatles ou Polnareff qui ont eu la même démarche plutôt que d'adapter des standards américains, comme au temps des yéyés".

Tears behind the stars découvre de nombreux univers différents, parfois plus pop, plus planants, plus rock, plus groove. "Ecrire ce que l'on veut et être le plus généreux possible au niveau des idées et des arrangements plutôt que de se plier aux codes d'une industrie qui méprise les gens et les prend pour des idiots au fond. J'aime aussi beaucoup les vraies chansons, les modulations, les accords évolutifs… j'y suis archi sensible. Il faut que je me prenne des tartes quand j’écoute un truc, et même si ce n'est au fond que de la pop. Le côté groupe d'électro pop qui écrit A-/F/G//, avec le refrain en voix de têtes et la guitare echoe, c’est juste pas possible. C'est de la variété indie et je ne ressens rien du tout à l'écoute. Il faut être le plus rigoureux possible là-dessus et sinon on méprise la musique en quelque sorte, et surtout ses auditeurs".

Mais là où certains se perdent dans leurs influences et tournent à la citation (quand ce n’est pas à la parodie), Paul Winslow a quelque chose de moderne, ou en tout cas cède avec intelligence à la modernité. "J'aime aussi le patchwork par rapport à différentes époques pop. Quand on parle de Brian Wilson pour parler de moi cela me fait évidemment très plaisir et j'espère être aussi doué que lui un jour, mais ma musique ne se résume pas à cela. Même si l'âge d'or du songwriting pop est à cette époque pour moi, très clairement. Les mecs faisaient des symphonies de poche, étaient archi ambitieux et le public suivait souvent mais ils étaient modernes, ils avancaient. On est en 2016, j'aime aussi les boîtes à rythme, les bouts de samples comme sortis d'un Mellotron 2.0. J'utilise aussi beaucoup de virtuel, des éléments du hip-hop, des synthés new wave, le groove black, Beck de la bonne époque, etc. Et j’y travaille absolument seul. C’est ma plus-value".

Et comme nous ne cessons de le dire, "il faut écouter la musique pas seulement pour ce qu'elle évoque mais pour ce que l'on met dans ses productions, la générosité et ce qui l'a rend parfois singulière".

 

En savoir plus :
Le Bandcamp de Paul Winslow
Le Soundcloud de Paul Winslow
Le Facebook de Paul Winslow


Le Noise (Jérôme Gillet)         
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