Comédie burlesque de Hristo Boytchev, mise en scène de Philippe Lanton, avec Bernard Bloch, Olivier Cruveiller, Philippe Dormoy, Christian Pageault et Evelyne Pelletier.
La Compagnie Le Cartel dédiée à l’exploration des écritures et auteurs balkaniques présente "Orchestre Titanic", du dramaturge bulgare Hristo Boytchev, écrit en 2002, qui s'inscrit dans la filiation du théâtre de l'absurde de la Mitteleuropa des années 1950.
Avec un titre reprenant un fait mémorable érigé en métaphore de l'apocalypse joyeuse vers laquelle s'achemine(rait) la société post-moderne, la partition décline une situation et un argument classiques à forte connotation beckettienne sur l'impasse du questionnement sur le sens de la vie, celle du microcosme constitué de laissés-pour-compte de toute nature, des marginaux aux migrants.
Un quatuor de déclassés sociopathes et alcooliques ayant élu domicile dans une gare désaffectée attend le passage des trains, tout en sachant que, de fait, ils ne s'arrêtent jamais, non pas tant pour y monter et revenir à la civilisation mais pour échanger leur valise vide contre le bagage des nantis et continuer de s'alcooliser dans leur gourbi.
Puis, à l'instar de la locution ferroviaire de circonstance, "un train peut en cacher un autre", Hristo Boytchev introduit un rebondissement par l'arrivée d'un personnage exogène qui opère un revirement thématique du tragique lié à l'apparente absurdité de la vie placée sous le signe du nihilisme burlesque à la mimésis de l'illusion théâtrale.
En effet, d'un train est éjectée une caisse dont sort, tel un diable de sa boîte, un individu, également adepte de la dive bouteille, se présentant comme un illusionniste shakespearien dont les antiennes sont constituées par l'épigraphe du Théâtre du Globe, traduite comme "le monde entier est une scène de théâtre", et la fameuse assertion, "Nous sommes de la même étoffe que les songes", prononcée par le mage Prospero.
Mais Hristo Boytchev n'est ni Beckett ni Shakespeare et les comédiens qui, sans jeu de mot facile, ont de la bouteille, sont meilleurs que la pièce qui allèche sans tenir ses promesses.
Dans un décor pseudo-réaliste de Yves Collet, Philippe Lanton négocie la difficulté avec un parti-pris annoncé de mise en scène dans la veine du comique gesticulatoire à la manière des Marx Borthers propice à des personnages appréhendés moins comme des archétypes humains que des clowns façon Pieds nickelés matinés de Branquignols.
Christian Pageault, Bernard Bloch, Philippe Dormoy, Evelyne Pelletier et Olivier Cruveiller écopent efficacement pour que ne sombre pas le radeau sur lequel sont embarqués Doko, Louko, Meto, Lubka et Hari. |