Drame de Johann Wolfgang von Goethe, mise en scène de Gilles Bouillon, avec Frédéric Cherboeuf, Vincent Berger, Marie Kauffmann, Juliette Poissonnier, Etienne Durot et Baptiste Chabauty.
Révélé plus d'un siècle après son écriture suite à une découverte inopinée, "Urfaust" constitue une version primitive de l'oeuvre princeps de Goethe qui édifie le mythe de Faust dans laquelle il suffit au Diable, hors de tout contrat, d'exacerber les passions humaines.
Faust, savant et professeur, connaît les misères du savoir et de la science qui, conjuguées à l'absence de crainte de Dieu comme du Diable, ont asséchées son coeur de toute joie jusqu'au jour où, découvrant le grimoire de Nostradamus, il se tourne vers l'alchimie pour étancher la soif de son l'âme et tester la puissance de l'esprit.
L'esprit convoqué se manifeste comme un double ingénieux et facétieux, qui s'avère la manifestation d'une puissance supérieure et maléfique, celle du Diable travesti insufflant maints conseils avisées pour obtenir les faveurs de la belle, pure et innocente Marguerite.
Faust n'est pas un Dom Juan impénitent mais un homme instrumentalisé par le Mal, tout comme Marguerite n'est pas une paysanne frustre et inculte simplement éblouie par la figure et les cadeaux de l'intellectuel mais une jeune fille disposant d'un peu d'instruction et de bien embrasée par une ardente et violente attraction sensuelle et sexuelle pour l'homme.
Inspiré d'une légende populaire, l'intrigue, simple et naïve pour certains, le drame de la jeune fille séduite et abandonnée sauvée par son repentir, et révélant des influences tant shakespearienne que moliéresque par l'insertion de scènes bouffonnes, l'opus se présente comme un poème dramatique dans lequel les tourments de l'âme sont portés par la beauté de la langue du 18ème siècle restituée par la traduction de Jean Lacoste et Jacques Le Rider.
Gilles Bouillon le porte sur scène dans une superbe scénographie toute en épure de Nathalie Holt, un espace crépusculaire aux cimaises noires et sol de sable gris, qui, soutenue par les lumières de Marc Delamézière et les brefs inserts musicaux de Alain Bruel, parvient à négocier la réalité prosaique comme le fantastique notamment, avec les fugitives apparitions de symboles démoniaques, la vapeur (de soufre) et les chiens du diable, dans l'antre de Faust aux prises avec ses chimères.
La direction d'acteur est rigoureuse pour soutenir un jeu moderne et sobre qui évite les écueils de la truculence comme du mélodrame et combiner les registres du tragique et du cocasse. Dans ce dernier, Baptiste Chabauty, Etienne Durot et Juliette Poissonnier, en charge de plusiers rôles, officient dans la juste mesure.
Un excellent trio incarnent les principaux protagonistes. Vincent Berger compose efficacement l'ambiguïté de Méphisto. L'éloquence sensible de Frédéric Cherboeuf se déploie subtilement dans la partition de Faust et Marie Kauffmann, possède la fraîcheur palpitante pour camper une brune, charnelle et fiévreuse Marguerite et, en duo, délivrent des scènes d'amour d'une incandescente intensité dramatique. |