La roulette rustre
(Cie L’Art ou L’Etre) novembre 2016
La formation Roulette Rustre présente son univers sur deux galettes étonnantes. Voilà 10 ans qu’ils créent, montent, construisent, s’associent. Le temps est venu de rentrer dans les paisibles demeures de ceux qui n’ont pas encore croisé leur route. Un premier volume 1er souffle, pour narrer la belle histoire qui les lie, et un second pour graver 2nd Souffle, spectacle du même nom.
Le premier morceau installe le lecteur dans le décor steam punk des comparses de Roulette Rustre. Des engrenages savamment huilés faisant tourner d’antiques machines à vapeur, laissant planer une brume évanescente tout au long des albums.
Une voix d’enfant "la déchirure du site qu’on appelle Terre, qui nous confronte à la peur de l’inconnu, du néant, or, après le vide se dessine une possible échappatoire" suivi d’un accueil des archets moelleux, susurrant une mélopée qui s’incruste lentement mais sûrement dans vos ondes jusqu’à avoir toute votre attention. "Les machines qui avancent… le dos courbé… des hauts le cœur à en tomber… Douces folies bâillonnées… un peu d’air, le goût de l’innocence" ("Un peu d’air"). Ce premier morceau stupéfiant de réalisme plante le décor : la froide mécanique contre la chaleur humaine.
Et chaque morceau continue dans la foulée de son précédent, 1er souffle est d’un réalisme édifiant. Alors que la première écoute laisse penser que La Roulette Rustre nous décrit une achronie futuriste, la seconde écoute balaye le doute : c’est nous que ces souffles décrivent, nos envies avortées, nos espoirs décimés, notre paresse maladive… une sorte d’esclavagisme de la technologisation (bien sûr que ce mot existe, fucking correction automatique, j’aurai ta peau).
Hommes, femmes, enfants, les voix ne manquent pas : Yves Jamait, Les ogres de Barback, La Rue Ketanou, Weepers Circus, Mon côté Punk, Debout sur le Zinc… Quel tableau ! Entre cordes et rythmes pensants, entre acoustique et saturation des vibrations, le monde de La Roulette Rustre va au-delà d’un constat dépitant, il plante les graines de l’espoir nécessaire au dépassement du gris et du terne.
"Nos lumières taries éclairent moins que la bougie, alors on se débat on s’agite, on s’en veut, on prie… on se renie et on se fond dans la masse… gratte la peinture et tu verras le sol, gratte la peinture et tu verras le ciel, gratte la peinture et tu verras l’horizon" ("Gratte la peinture").
Elle fuit le monde et ses traditions mondaines héritées du quatorzième siècle ("Un goût de folie") : "Pourquoi je fais la tête, pourquoi j’ai l’air en miette, le visage assombri, mais les yeux tout éblouis, c’est ma manière de combattre les chimères qui se bousculent dans ma tête, dans la rue j’évite les autres femmes".
Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.