Comédie dramatique de Daniel Danis, mise en scène de Christian Bordeleau, avec Philippe Valmont, Solène Gentric, Marie Mainchin et Franck Jouglas.
Un décor épuré au possible (un théâtre brut sans le moindre décorum) où quatre personnages racontent des morceaux d’une histoire qui les lie tous.
Dans une vielle ferme de la campagne québécoise qu’il tente de retaper, un citadin taciturne enfui avec sa fille après le meurtre de sa femme, croisera le chemin d’une institutrice accompagnée de son copain de toujours.
Il y a donc là : Clermont dit "Cailloux" qui charrie les pierres du chagrin, sa fille Pascale qui le regarde reconstruire peu à peu sa vie et le maintient debout, tandis qu’elle découvre la sienne. Il y a Shirley, qui s’élance telle une amazone en attendant une collision et Coco, aussi hâbleur que perdu, qui se consume dans l’ombre de Shirley.
Pour mettre en scène ce projet fort, Christian Bordeleau, après Michel Tremblay et le formidable "A toi pour toujours, ta Marie-Lou" à l’atmosphère analogue, se fait le passeur d’un autre dramaturge québécois, l’un des plus singuliers auteurs actuels : Daniel Danis.
Celui-ci livre avec "Cendres de Cailloux" une histoire heurtée de passé et de reconstruction pour des âmes en perdition. Des individus dont le point commun est l’envie brûlante d’amour, même niée ou mal formulée.
On apprécie dans ce beau poème douloureux, la langue si imagée et chargée d’émotion de Danis qui met en lumière des anti-héros, loosers anonymes cabossés de la vie mais qui vibrent toujours et d’autant plus.
Le metteur en scène respecte à merveille l’ambiance du texte (rarement joué en France) et trouve un carré d’as qu’il dirige à la perfection pour défendre la partition ciselée de ce long chant désespéré. La musique originale de Geneviève Morissette aux mélodies touchantes confère la tonalité qui lui sied et de l’ampleur à cette histoire saisissante.
Solène Gentric est une Shirley sensuelle et mystique, au charisme omniprésent. Franck Jouglas campe un Coco aussi caustique qu’insolent. Enfin, le duo père-fille composé de Philippe Valmont et Marie Mainchin est simplement à couper le souffle. Marie Mainchin, déjà parfaite dans la pièce de Michel Tremblay incarne ici une Pascale rafraîchissante, qui raconte tout de son regard et dont le sourire désarmant éclaire cette ténébreuse histoire.
Quant à Philippe Valmont, absolument bluffant, il interprète avec une sincérité totale le parcours de montagnes russes de Clermont, et parvient dans une sobriété éloquente à nous déchirer le cœur. Un ouvrage d’orfèvre qui, de la rage au mutisme, de la souffrance au ravissement fait tout passer. Et l’on assiste à la consécration évidente d’un immense comédien.
Un spectacle gonflé d’amour d’une force et d’une poésie rare qui vous happe comme par magie pour ne plus vous lâcher. Un très beau travail, ardent et vrai. |