A Night Full Of Collapses
(Ici d'Ailleurs) février 2017
La musique des Marquises (Lost, Lost, Lost en 2010, Pensée magique en 2014) est presque d’abord une histoire d’impressions, d’atmosphères, de ressenti. Il faut un certain abandon, un laisser-aller pour goûter pleinement cette musique.
Jean-Sébastien Nouveau dirige maintenant un vaste ensemble à géométrie variable comprenant Matt Elliott (The Third Eye Foundation au chant), Agathe Max (Ofield, Farewell Poetry au violon), Olivier Mellano (Dominique A, Miossec à la guitare), Christian Quermalet (The Married Monk au piano), Jeff Hallam, Louis Montmasson, Souleymane Felicioli, Julien Nouveau, Martin Duru, mais ce nouveau disque navigue dans les mêmes belles eaux troublantes.
A Night Full Of Collapses est comme une disparition du réel, un disque brumeux, nocturne, abstrait et onirique. Comme une longue traversée presque Lynchéenne, un voyage étrange et envoûtant (les lignes mélodiques et rythmiques de "Lament", "The Beguiled", "A Forest Of Lines", "The Passing"). Comme ces (auto)routes perdues accompagnées des notes d’Angelo Badalamenti, d’arabesques modales, de rythmes orientalisants, de réminiscences de musique jazz ou pop 60’s en petites touches ("Feu Pâle", "Following Strangers"), presque rien, avec cette étrange tension, parfois anxiogène ("Lament").
Chez Les Marquises, la narration passe par quelque chose d’estompé, d’habité, une agitation inconsciente dont il ne faut sûrement pas trop chercher à intellectualiser, par des mélodies comme presque absentes et accorde au son une intimité rare. La section rythmique tient un tapis sonore qui donne la sensation d’avancer sans répit, les répétitions transforment la nature même de la musique, elles accentuent leurs importances, deviennent presque ainsi des thèmes. On retrouve aussi cette capacité à juxtaposer mélodies, dissonances et harmonies complexes à des motifs longs et hypnotiques.
Rythmes obsédants, syncopes, modalités, on songe parfois à The Mount Fuji Doomjazz Corporation, au Dale Cooper Quartet ou à Bohren und der Club of Gore, mais également à Brian Eno ou à l’école de Canterburry. Mais Les Marquises savent cultiver leur propre style et se détacher de ses influences. A Night Full Of Collapses devrait s’écouter la nuit, dans la solitude de l’obscurité. Beau comme un tableau d’Edward Hopper…
De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.