Prix Campelio 2015, Marco Balzano est enfin traduit en France avec Le dernier arrivé, émouvante épopée humaniste d’une génération d’italiens.
Sicile, un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, la misère. Ninetto, 9 ans, est un jeune garçon amoureux de poésie et petit voleur, graine de voyou courant les rues. Milan, maintenant, une prison. Ninetto se raconte au passé, il a 57 ans.
Le dernier arrivé est un récit à deux temps, deux époques, un personnage central imaginaire : Ninetto dit "sac d’os". Avec ce roman, Marco Balzano raconte le destin d’une génération d’italiens, migrants de raison, chercheurs d’une vie meilleure que la leur dans un pays vaincu par la pauvreté. Imaginaire, imaginaire, pas tant que ça quand même. Ninetto est en quelque sorte la somme des âmes que l’auteur a croisé pour écrire ce roman.
Résultat ? Une présence insoupçonnée hante les pages. Il ne reste qu’elle à la fermeture du livre. Elle ne surgit qu’une fois que vous aurez tourné la dernière page. Ce n’est pas exactement l’âme de Ninetto. Disons plus précisément qu’il n’en est qu’une part. Le dernier arrivé est littéralement habité par les millions de milliers de migrants italiens des années 60.
L’auteur a su incarner les dizaines de témoignages dans la peau de Ninetto. Son but était bien évidemment de combler nos lacunes sur un pan d’histoire, mais également de rendre hommage à ces aventuriers utopistes.
Et si ce roman a reçu le prix Campiello 2015, c’est aussi certainement parce qu’il fait également écho à ce que l’Europe vit actuellement. Je veux parler de ces flots de migrants anonymes portant une vie meilleure dans le cœur. De ceux qui débarquent sur les plages par centaines, par milliers.
Marco Balzano a décrit avec bienveillance ce que ma condition d’européenne privilégiée ne soupçonnait pas. Je n’avais en l’occurrence jamais envisagé que la vie chevaleresque de ces migrants s’arrête net quand ils trouvent le confort apporté par la stabilité d’un emploi régulier, et qu’ils posent maigres valises dans l’entrée d’un logement, que leurs enfants voient le jour, qu’ils grandissent, qu’ils vieillissent…
Et le regret transparait entre les lignes. Le regret de ces moments passés cheveux au vent, sans se soucier de l’heure ni des appels du corps. Parce que la vie c’est l’aventure, ne pas penser aux lendemains, vivre chaque jour comme s’il était le dernier. Comme quoi, le confort matériel embourbe les rêves et arrête le temps comme le ferait la Big Faucheuse.
Ce regret ne voyage pas seul. Il emporte avec lui la tristesse et la douleur de la séparation. Ninetto sort de prison dans les premiers chapitres du roman. Fier comme un italien, il se confie à pas lents. Nous l’imaginons le regard dans le vague, soupirant sur ses choix qui l’ont conduit à ce résultat. Sa fille ne veut plus le voir, le privant de sa petite-fille. Et la force de caractère de ce héros se retournant sur son parcours nous fait sourire, comme nous sourions à nos sages ainés quand ils racontent leur jeunesse et leurs folies.
Un roman solaire, tout en bienveillance et en sagesse. Marco Balzano nous plonge avec talent dans le destin de Ninetto, une incarnation parfaite des utopistes de tous temps, poursuivant leurs idéaux avec fougue et entêtement. Edifiant d’humanité, carrément émouvant.
"Je me serai bien vu aller manger une bricole et fumer sur un banc avec lui […] Je lui aurais demandé comment il s’y est pris pour réunir autant de mots intelligents qui pincent les cordent de l’âme d’une main de guitariste habile. Comment il s’y est pris pour raconter mon histoire en racontant la sienne" quand Nino rencontre Camus. |