Comédie dramatique de de Tennessee Williams, mise en scène de Stéphane Braunschweig, avec Jean-Baptiste Anoumon, Océane Cairaty, Virginie Colemyn, Boutaïna El Fekkak, Glenn Marausse, Luce Mouchel et Marie Rémond.
Dans les années 1930, un riche américain séjournant en Espagne trouve la mort dans des circonstances troubles dont sa cousine qui l'accompagnait livre une interprétation qu'elle clame - et proclame - comme la vérité même à ceux qui ne veulent pas l'entendre. Mais quelle vérité ? "Sa" vérité ? Et dans quelle intention ?
La mère du défunt considère comme diffamatoire sa version des faits qui ternit la mémoire de son fils et ne pouvant émaner que d'une folle justifiant son internement et même la nouvelle technique de la lobotomie qu'elle monnaye auprès d'un ambitieux neurochirurgien.
Telle est la situation sur laquelle s'ouvre la partition "Soudain l'été dernier" du dramaturge américain Tennessee Williams construite comme un psychodrame sous couvert d'enquête psychologique doublée d'un parabole animalière.
Tissant toutes les obsessions liées à son histoire personnelle et ses thématiques récurrentes que sont la famille pathogène avec le père absent et la figure de la mère destructrice, la folie, la sexualité pulsionnelle, animale et déviante, l'argent, celui qui permet aux riches de s'accommoder de tout et de s'arranger avec la réalité, celui qui manque aux démunis toujours en quête d'expédients, et le sort commun des êtres qu'est la déchéance.
Ce psychodrame met en présence deux femmes ainsi que deux familles. Les Venable, riche et vénérable famille de la Nouvelle Orléans, et Violette Venable, mère castratrice au délire incestueux assouvi par l'oeuvre de sa vie, celle de former avec son fils unique un couple légendaire, elle déesse-mère et muse, lui poète ascète qui, après leur voyage commun annuel, la tournée des pays exotiques où le quidam pratique le tourisme sexuel, équivalent à une gestation spirituelle, enfante leur rejeton littéraire, un unique poème.
En face, les Holly, famille obscure et désargentée, et par alliance des Venale, avec une mère dénaturée et cupide qui n'a d'yeux que pour son fils et instrumentalise sa fille, une jeune femme perturbée, abusée par les hommes et devenue amoureuse transie de son cousin, pour assurer leur train de vie et financer les fumeux projets fraternels.
L'adaptation, résultant de la nouvelle traduction opérée par Jean-Michel Déprats et Marie-Claire Pasquier de cet opus daté qui a dépassé le demi-siècle, est mise en scène par Stéphane Braunschweig dans son contexte spatio-temporel ainsi que dans le cadre prévu par l'auteur, celui de l'antre du défunt, une luxuriante et factice jungle envahissante qu'il encapsule, au mi-temps, dans des cimaises blanches capitonnées évoquant la cellule asilaire.
La direction d'acteur est millimétrée et la distribution pour les rôles principaux judicieuse. Dans un emploi de prédilection, Marie Rémond campe parfaitement la victime, jouet d'un destin tragique, et Luce Mouchel s'avère magistrale en grande bourgeoise obséquieuse, époustouflante en femme confrontée à la décompensation psychotique et pathétique en mère dévastée.
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