Spectacle de théâtre musical d'après l'oeuvre éponyme de Boris Vian, mise en scène de Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps, avec Roxane Bret, Maxime Bouteraon et Antoine Paulin.
Nouveau défi - relevé - par la Compagnie La Fiancée du Requin avec cette transposition théâtro-musicale de "L’écume des jours", le roman-phare de Boris Vian, figure emblématique du Saint-Germain-des-Prés existentialiste de l'après seconde guerre mondiale, qui, tant pour la lettre que l'esprit et le style singulier, ne dénature pas l'opus l'original.
Aux manettes, le trio gagnant qui s'est déjà illustré dans ce périlleux exercice avec "Madame Bovary" reprend donc du service.
A l'adaptation, le romancier et dramaturge Paul Emond a élaboré une adaptation inspirée qui restitue la singularité d'un conte moderne placé sous l'égide d'un imaginaire surréaliste, de l'humour poétique, la pudeur des sentiments et
d'un romantisme musséien.
Pour retracer tant un merveilleux amour, de surcroît allégorie de l'entrée dramatique dans le monde adulte, que l'univers d'un microcosme d'adulescents oisifs, celui de la jeunesse "zazou" des années 1945-1950 pour qui ne compte "que l'amour, de toutes les façons, avec les jolies filles, et la musique de la Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington", la partition, qui imbrique narration et scènes dialoguées, se déploie sur une grisante trame musicale.
Composée par Gilles-Vincent Kapps, elle se déploie donc sur une ligne donc résolument jazzy dans laquelle il opère une pertinente instillation de blues et de swing et de chansons originales au texte savoureux.
Il oeuvre avec Sandrine Molaro pour signer une mise en scène sans esbroufe mais époustouflante de simplicité et d'efficacité pour instaurer, comme indiqué dans leur note d'intention, "une dynamique imaginaire" permettant d'évoquer tant le charme nostalgique d'une époque mythique révolue, que la grâce et l'insouciance de la jeunesse et la passion intemporelle des histoires d'amour. Le minimalisme de la scénographie d'Erwan Creff, en fond de scène, une cimaise de papier peint à l'imprimé vintage déchiré en son centre comme une stargate vers une dimension onirique, est combinée avec l'émérite travail de lumières de Laurent Béal. Sans doute tout cela serait-il vain si, sur le plateau investi par une guitare électrique, un clavier et une boîte à rythme, n'officiait, en totale synergie, un épatant trio pour porter tant la narration, le chant et de la musique, que l'interprétation d'une pluralité de personnages et même le bruitage.
Car le grand atout de ce spectacle réside en la judicieuse et juvénile distribution en termes non seulement d'emploi et de polyvalence artistique mais de maîtrise déjà affirmée des fondamentaux de leur métier et de bienvenue fraîcheur de jeu.
En effet, avec plus d'une corde à leur arc et une belle présence scénique, Roxane Bret, Maxime Boutéraon et Antoine Paulin, s'avèrent excellents pour incarner les "extraordinaires" personnages vianiens.
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