Réalisé par Jacques Becker. France/Italie. Drame. 2h12 (Sortie le 8 mars 1960). Avec Michel Constantin, Jean Keraudy, Philippe Leroy, Marc Michel Rôle, Raymond Meunier, André Bervil, Eddy Rasimi et Catherine Spaak.
En ce mois d'avril, les occasions de revoir les films de Jacques Becker fleurissent aussi vite que les boutons d'or, et on ne peut que s'en réjouir. Hommage à la Cinémathèque française, ressorties en salles, diffusions télévisées...
Vous n'avez plus d'excuse pour ne pas suivre les charmantes scènes de ménages d'"Edouard et Caroline", valser aux côtés de "Casque d'or" ou plonger dans "Le Trou".
"Le Trou", c'est d'abord la prison, et plus précisément la cellule où Claude Gaspard, accusé de tentative de meurtre avec préméditation, se trouve enfermé. Mais le trou, c'est également la voie de sortie que ses quatre codétenus se préparent à creuser pour s'évader. Coincés ensemble dans une cellule de quelques mètres carrés, les cinq hommes se mettent à la tâche.
Jean-Pierre Melville ne tarissait pas d'éloges sur ce film à la sobre perfection. Et on voit bien ce qui a tant plu à l'auteur du "Cercle rouge". Le travail des prisonniers, cassant la pierre, creusant la terre, sciant les barreaux, est filmé avec une précision quasi documentaire. L'objet à détruire, le mur à contourner deviennent les centres d'une lutte silencieuse et longue.
Les prisonniers sont les ouvriers de leur propre liberté, qui se gagne coup après coup. Le corps, est instrument à part entière. Force physique pure, puissance des bras, mais aussi habileté manuelle, intensité du regard sont à chaque fois les conditions de la survie.
Mais la finesse du film tient également dans ces détails arrachés au quotidien : une brosse à dent devient un périscope, deux flacons et un peu de sable font un sablier, une barre de fer se métamorphose en clé.
A travers cette débrouille, c'est le quotidien de la prison qui est filmé. Pour preuve cette très belle scène où un bout de ficelle et une balayette permettent de transmettre un message de cellule en cellule.
Le quotidien tient d'ailleurs un rôle essentiel dans "Le Trou". C'est en effet la réalité de la vie en prison que Jacques Becker donne à voir, sans fards ni misérabilisme. Les repas, pris ensembles, la promiscuité, les discussions et les disputes.
L'horreur de la surveillance, également, avec ce garde qui découpe et dissèque les aliments que reçoivent les prisonniers, ou à travers cet œilleton, privilège des gardiens que les détenus retournent contre eux, en en faisant, à leur tour, un instrument de surveillance.
Il n'y a pas, dans "Le Trou", un plan inutile ou décoratif. A l'image de ses travailleurs minutieux, Jacques Becker propose un découpage où rien n'est laissé au hasard. Chaque séquence, magnifiée par le noir et blanc de Ghislain Cloquet, est d'une absolue nécessité.
Le temps est au centre du film. Le prisonniers n'ont que quelques jours pour s'échapper, ils mesurent leurs excursions nocturnes demie-heure par demie-heure,. Ce temps, c'est également celui que prend chaque opération.
Ainsi, lors de la séquence où les prisonniers font sauter le sol de leur cellule, l'opération est filmée en temps réel. Le ralentissement des coups trahit la fatigue des bras, le chiffon glisse sut la barre métallique... et le spectateur regarde fasciné ce trou qui grandit, la prison qui craque, ressentant chaque coup comme un pas de plus vers la liberté. |