Comédie de Jacques Mougenot, mise en scène par Hervé Devolder et interprétée par Jacques Mougenot et Hervé Devolder.
Après, entre autres, l'inénarrable conférence satirique sur "L'Affaire Dussaert" épinglant l'art contemporain et "Les Fiancés de Loches"14920, épatante mise en comédie musicale du vaudeville éponyme de Georges Feydeau, toujours à l'affiche, Jacques Mougenot propose un jubilatoire délire à deux avec "Le cas Martin Piche".
Un neuropsychiatre passionné par la vie et son métier, et curieux de tout et des autres, reçoit Martin Piche, un nouveau patient qui va se révéler tant un sujet fascinant qu'un véritable cas d'école.
Car non seulement il manifeste un déficit d'attention symptomatique, une irrésolution stupéfiante, une indifférence totale aux choses et aux êtres et un état récurrent de distraction, mais il souffre d'un ennui chronique : il s'ennuie tout le temps, partout et avec tout le monde y compris lui-même.
La confrontation mitonnée par Jacques Mougenot s'avère réjouissante car fondée sur l'opposition des contraires, en l'espèce un médecin vibrionnant et un patient lymphatique, et déclinée sur le mode du duo de clowns beckettiens, avec le second, qui prenant les mots au pied de la lettre à la manière devossienne, fait enrager le premier.
Mais Jacques Mougenot, également comédien, précision non anodine, est un homme de théâtre et, comme toujours au (bon) théâtre, la frontière est aussi ténue que poreuse entre le drame et la comédie et celle-ci constitue souvent un excellent véhicule pour traiter de thèmes sérieux sinon graves.
Or l'ennui dont souffre Martin Piche, avatar de Bartleby qui toutefois n'aurait pas choisi d'être stylite, n'est pas un ennui ordinaire mais l'ennui absolu, qualifié de "métaphysique" par les philosophes tels Arthur Schopenhauer et Martin Heidegger, sujet qui ressort aux concepts fondamentaux de la métaphysique que sont l'Etre, le Néant et le temps.
Et ceux-ci constituent des sujets de réflexion et des thèmes de prédilection que Jacques Mougenot a déjà exploré dans un roman intitulé "La machine à démonter le temps" et abordé dans différents opus tels "La carpe du duc de Brienne" et "La création du monde".
Hybride d'angoissé et de farceur, il livre une partition fine, intelligente et brillante placée sous le signe de la comédie pongistique avec, naturellement, coup de théâtre inclus, et du jeu tous azimuths, le jeu étant au demeurant un bon moyen de tromper l'ennui (sic).
Avec sa vitalité frénétique Hervé Devolder, signataire de l'alerte mise en scène, s'avère l'interprète idéal du psychiatre acculé au pied du mur que représente Jacques Mougenot avec son efficace humour pince-sans-rire.
Une pépite que ne rateront pas les spectateurs orpailleurs. |