Opéra sur un livret de Peter Maxwell Davies, direction musicale de Philippe Nahon, mise en scène de Alain Patiès, avec l'ensemble instrumental Ars Nova et Christophe Crapez, Paul-Alexandre Dubois et Nathanaël Kahn.
Trois hommes. Pas dans un bateau mais sur une île. Précisément dans le phare d'une île inhabitée. Huis clos terrible propice à la démence. Quand on vient pour les relever, ils ont disparu, se sont volatilisés. L'enquête affirme même que cette disparition était récente, comme provoquée par l'arrivée du navire ravitailleur. Histoire brève fondée sur des faits réels, "The Lighthouse" de Peter Maxwell Davies a la sécheresse des œuvres denses qui se refusent à s'épancher. Histoire d'hommes qui vont craquer, et dont on va revivre en flash back l'hypothèse du parcours tragique, ce court opéra repose sur une musique d'une grande expressivité et d'une digne austérité. Contrairement à son compatriote Benjamin Britten, Peter Maxwell Davies se refuse au lyrisme et à la manière. La musique colle à un texte qui va droit au but. C'est sous forme de témoignages que l'on commence à s'enfoncer dans ce récit sans concession. Dans sa mise en scène, Alain Patiès prend soin de laisser les trois chanteurs toujours ensemble, unis par le même destin de "gars de la marine". On les croirait sortis d'une opérette ou d'une comédie musicale genre "avoir un bon copain". Mais si leurs voix dialoguent ou s'unissent, elles s'affrontent aussi au gré des éléments dont la colère les perturbe. Ecrite en 1980, "The Lighthouse" est une œuvre plus intemporelle que contemporaine même si sa modernité se lit dans son "impureté". En effet, les genres musicaux s'imbriquent dans les chants. Peter Maxwell Davies sait passer du classique au folklore celte, utiliser des accords liturgiques ou des chants d'amour. Les scénographes Laure Satgé et Valentine de Garidel ont préféré suggérer l'intérieur d'un phare plutôt que de le reconstituer. L'espace vital des trois hommes est lui aussi elliptique et comme posé sur une structure qui rappelle la partie lumineuse du phare, et qui est d'ailleurs de temps à autre parcouru par une lumière. Christophe Crapez (ténor), Paul-Alexandre Dubois (baryton) et Nathanaël Kahn (basse) interprètent à la fois les trois gardiens de phare et les enquêteurs qui ont découvert le phare vide. A leur grande qualité musicale, ils ajoutent une grande aisance en scène. Philippe Nahon à la direction musicale des douze musiciens de l'ensemble Ars Nova sait subtilement s'effacer pour les servir, tout assurant le climat lourd de cette affaire mystérieuse. Cette version accessible à tous de "The Lighthouse" prouvera aux novices qui l'ignoraient que l'opéra n'est pas que la répétition d'oeuvres anciennes. Aujourd'hui, il peut donc rivaliser avec le théâtre pour, comme ici, donner à voir quelque chose d'aussi singulier que cette œuvre musicale exclusivement interprétée par des hommes. |