Voilà deux mois, nous avions assisté ici-même à l’I.Boat (l’équivalent bordelais du Batofar) au show robuste, enjoué et vénéneux des excellents Twin Peaks. Les Chicagoans avaient littéralement fracassé la cale de la péniche à la force du médiator et à coup de petites bombes punks. Beaucoup plus pros et carrés que leur apparence de branleurs ou leur étiquette DIY / Lo-fi pourraient laisser paraître, leur prestation confirme tout le potentiel des américains. Energie à revendre, groupe soudé malgré un éthylotest dans le rouge, son agressif et compact : le groupe a confirmé avec brio tous les espoirs placés en eux.
C’est une toute autre affaire qui nous amène ce soir : Weyes Blood (Natalie Mering à la ville), bien moins périlleuse pour nos tympans et nettement plus sobre. Plutôt précoce (son troisième album, le très bon Front Row Seat To Earth, est sorti l’an dernier), la jeune chanteuse américaine nous avait tapé dans l’œil à l’automne dernier : apparaissant échouée sur le sable, en bord de mer, nous toisant du regard, elle semblait nous dire : "Rejoignez-moi, vous verrez, on est bien ici…". Force est de constater que la publicité n’est pas mensongère, tant l’expérience musicale s’avère confortable. On déambule dans son univers ouaté en tout quiétude, comme bercé par le bruit des vagues.
La version live soutient la comparaison, et s’il est bien une chose qui se dégage de Weyes Blood, c’est l’assurance de sa chanteuse. Entourée de trois musiciens (dont le guitariste Jack Ladder ayant assuré la première partie), Natalie Mering démontre un vrai savoir-faire pour tisser un univers sonore très personnel. Alternant entre le clavier et la guitare sèche, parfaitement soutenue par les arrangements de son groupe, elle dégage une vraie présence et incarne ses chansons, dont la simplicité n’est qu’apparente. La vraie star de l’ensemble étant sans conteste sa voix noyée d’écho, d’une pureté et d’une maturité rares, qui sublime ses compositions.
Au fur et à mesure des morceaux, dont notamment les meilleurs du dernier album (le sublime "Do You Need My Love", joué juste avant les rappels, "Seven Words", "Away Above"), on situe l’ADN de Weyes Blood quelque part entre Beach House et Alela Diane. Puis, sur la reprise sautillante de "Moonlight Shadow" (la scie 80’s de Mike Oldfield), la voix de Mering fait curieusement penser à celle de Chrissie Hynde. Les références sont élogieuses mais variées car, même si ce qui saute aux oreilles chez Weyes Blood, ce sont la sensibilité et la délicatesse de sa musique, ou encore ses mélodies aériennes, elle ne se résume pas à ça. Si remarquable soit-elle dans cet exercice, Natalie Mering a en effet l’intelligence de ne pas se limiter aux carcans folk en faisant, entre autres, la part belle aux arrangements synthétiques.
La chanteuse nous fait toutefois mentir – pour notre plus grand bonheur – lors du second rappel. Seule à la guitare, elle interprète magistralement la bouleversante "Bad Magic". Le temps s’arrête l’espace de quelques minutes, où l’envie nous prend de serrer la chanteuse dans nos bras pour la réconforter. Conclusion parfaite à un concert court mais riche en émotions.
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