Comédie dramatique de Dennis Kelly, mise en scène de Chloé Dabert, avec Bénédicte Cerutti, Gwenaëlle David, Marie-Armelle Deguy, Olivier Dupuy, Sébastien Eveno, Julien Honoré et Arthur Verret.
"L’Abattage rituel de Gorge Mastromas", partition au titre ambigu sinon énigmatique du dramaturge britannique Dennis Kelly, se présente comme l'histoire d'une cynique "success story" tombant sous le couperet judéo-chrétien de la punition des fautes et le biopic d'un imposteur démasqué en forme de recension illustrée de quelques scènes dialoguées.
Gorge Mastromas n'est ni une belle personne, ni une figure vertueuse dotée du sens moral et adepte de l'honnêteté, mais un homme ordinaire et médiocre et, surtout, un indécis chronique souffrant d'un manque d'estime de soi dont le "scénario de vie" consiste à ne pas prendre de décision. En bref, un "looser".
Jusqu'au jour où, selon le procédé faustien, il accepte, au prix d'une trahison, d'être coopté pour intégrer le cercle très fermé d'une société secrète sans rituel, celui de l'ultra-libéralisme sans foi, ni loi, ni conscience, qui lui permet, à la suite d'une spectaculaire reconversion, de devenir un brillant capitaine d'industrie. En bref, un "winner"... jusqu'au jour où, rattrapé par son passé et ses mensonges, frappe la justice immanente.
Chloé Dabert a opté pour une mise en scène à deux vitesses. Ainsi, essentiellement en avant-scène, le récit, non dénué d'humour sarcastique, délivré selon le procédé du narrateur brechtien, fort bien au demeurant par Julien Honoré en costume trois pièces de commercial avec le bagout d'un bateleur, se déroule sur un train de sénateur.
En revanche, dans un décor de Pierre Nouvel, un mur de bois blond qui se déploie façon pop-up et évoque tant un open-space qu'un loft aménagé par une architecte d'intérieur adepte du minimalisme scandinave, les scènes sont dispensées de manière frénétique.
Et notamment avec le jeu frénétique des comédiennes - Gwenaëlle David, la "raideuse" en mode "8 images-seconde", Marie-Armelle Deguy, en chef d'entreprise survoltée, et Bénédicte Cerutti, la collaboratrice puis épouse, absolument pas dans le timbre de sa voix, s'égosillant dans les aigus - ce qui, ajouté à la traduction de Gérard Hawkins qui a conservé les idiotismes anglais que la scansion française rend insupportables à l'oreille, hystérise la situation.
Celle-ci est également déréalisée en raison de la déconcertante dichotomie de registre introduite par le jeu plus mesuré, et plus audible, des interprètes masculins - Olivier Dupuy, Arthur Verret et Sébastien Eveno dans le rôle-titre - ce qui contribue donc, avec le déficit dramaturgique inhérent à la forme de l'opus, à un spectacle qui se dispense de l'illusion théâtrale. |