Les petites choses de la vie. Vincent , Benjamin, Fabien* et les autres. Cette prolifique génération de trentenaires, qui constituent cette fameuse nouvelle scène de la chanson française, géniale invention terminologique d'un magazine musical en quête de légitimité multiculturelle au milieu des années 90, œuvre sous les auspices de leurs aînés Jacques, Serge, Jean Louis et Etienne *.
Même s'ils ont chacun leur pré carré, force est de constater des points communs incontournables : des textes policés et des mélodies fluides vaguement familières pour raconter ses petites tranches de vie, déclinaisons musicales de l'autofiction littéraire.
Alex Beaupain, compositeur notamment de musiques de films, qui se demande ironiquement, dans une interview, s'il n‘aurait pas mieux fait d'être boulanger, est venu en grossir les rangs.
Avec son premier album Garçon d'honneur, il nous propose de partager, sur une pop mélancolique, introspective et parfois bien pêchue, un spleen de post-adolescent qui le positionne en tête de la catégorie des nouveaux romantiques.
Car Alex Beaupain chante ce que Musset écrivait ("Tout ce qui était n'est plus. Tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux.").
Au menu :
l'exaltation et l'exploration du moi, le je-miroir un tantinet régressif, avec "Lave" ("Traques la en moi ce n'est qu'en moi qu'elle vit/Et lorsque tu la tiendras au bout de ton fusil/N'écoutes pas si elle t'implore/Tu sais qu'elle doit mourir d'une deuxième mort")
le souvenir, la nostalgie du temps passé, sur ce qui a été et n'est plus ici ("Parc de la pépinière" où "Tout y sera à part toi") ou ailleurs (le très cinéphilique "Brooklyn bridge" sur lequel "Ma petite amoureuse/Riait face aux buildings/Comme une enfant joyeuse") dont l'oubli est si douloureux ("Au ciel" "Mes jours en hiver passés à t'oublier/Où chaque seconde est une poignée de terre/Où chaque minute est un sanglot/Vois comme je lutte/Vois ce que je perds en sang et en eau")
la déchirure entre la chair et l'idéal ("Mais rien ne peut" "Et comme les enfants croient qu'ils flottent dans le vent/On s'embrassera sans se faire mal vraiment" et "La beauté du geste" "Mais la pomme était dure/Et je m'y suis cassé les dents/Ces passions immatures/Ces amours indigestes m'ont écoeuré souvent")
le présent subi, par attentisme ("La flemme" ("Cette maudite flemme/M'a cloué à toi/Comme un spectre à sa chaîne/Comme un christ à sa croix/Et nous nous ennuyons/D'un ennui délicieux/Car nous nous ennuyons/A deux") ou aquabonisme ("Garçon d'honneur" "Je préfère rester ton garçon d'honneur/Qui fait don de son sang/Qui fait don de son cœur/Pilles-moi le corps")
le temps qui passe, sur ce qui arrive trop tard ("Pourquoi viens-tu si tard ?" "Pourquoi viens-tu si tard/Quand tout est accompli/Et que d'autres accaparent ta place dans mon lit")
le tout saupoudré d'une pointe de réalisme avec le name-dropping pour ancrer le propos et le rendre universel.
Le tout est plutôt réussi et on se fait vite à l'écoute en boucle.
* jeu quizz : retrouvez les noms |