Let Me be gone
(Musique Sauvage / PIAS) février 2017
Née de l’improbable rencontre entre un vieux camé des rues de Goa et un intrépide voyageur à particule, Slow Joe & The Ginger Accident aurait pu ne jamais voir le jour si ce satané destin ne s’en était pas mêlé. C’était en 2007.
Slow Joe, comme son nom ne l’indique pas forcément, est l’Indien deshérité, c’est lui le phénix re-born de ses cendres. Alors qu’il était un vieux monsieur solitaire aimant chanter à ses heures perdues, Cédric de La Chapelle passait par là avec une guitare en bandoulière. Lui, c’est le Gaulois avide de dépaysement, genre de touriste averti, un baroudeur curieux qui aurait pu garder ce statut de bobo trip si Dame Fortuite était en RTT.
C’est ensemble qu’ils ont enregistré ce troisième album, c’est seul que Cédric la Chapelle et ses musiciens le défendent. Voilà un an que la flamme de Slow Joe s’est éteinte. Let Me Be Gone sonne comme le testament d’une étoile issue du chaos.
La voix de Slow Joe s’enroule autour des accords vintage des Ginger Accident. Le musicien Lyonnais a su attiser les braises du flow de ce dandy magnifique. Cédric est la plume, Joe est le poète qui illumine ses vers. Le marginal et le bobo rebelle proposent là une expérience nonchalante entre ici et ailleurs, entre rythmes traditionnels des cordes blues et accents électroniques des claviers siffleurs.
Quand l’album commence, quelques notes suffisent à vous noyer dans la contemplation d’une crête de montagne, d’une feuille virevoltante, d’un sourire fugace. Une bienveillante mélancolie vous enveloppe, celle qui fait pencher la tête pour mieux entendre. Rock, vintage, blues, long, lent et langoureux... Sexy son.
"This is my song for all the losers who have lost all they have loved, suddenly they find no peace of mind, just like me, we’ve left behind” ("I was a Stooge"). Quand Slow Joe mi-parlé, mi-fredonné, mi-chanté confesse ces mots, l’atmosphère est troublée d’un je-ne-sais-quoi, d’une présence discrète et optimiste. Comme un bras sur votre épaule qui dirait que rien n’est jamais fichu.
L’album entier oscille admirablement entre paillettes Bollywood et rangers poussiéreux, l’ombre et la lumière se font écho, se répondent et se complètent dans chaque morceau. "You and me together are one, I was made for you, and you were made for me, I break" ("My Sway").
Posthume, Let me be gone est un vibrant hommage à une rencontre qui changea plusieurs âmes. Il est également un puissant message d’espoir et d’optimisme, comme quoi, les tristes humanoïdes que nous sommes ne sont pas tous à jeter aux lions. Mangez du gingembre et écoutez Slow Joe (plus connu sous le nom de "faites-l’amour-pas-la-guerre").
Gardons l’image de ce petit homme en costard-cravatte, qui entre sur scène l’air de rien et en jette dès ses premiers grooves vocaux. Tout ça grâce à un rouquin. Damned. Merci Cédric.
Notre Dame qui renaît de ses cendres, la fête des lumières à Lyon, le spirituel est partout en cette quasi veille de Noël. Mais ce qui nous illumine chez Froggy's, c'est la culture ! Voici notre petite sélection hebdomadaire à partager avec vous !