Si le groupe Belge (mais il aurait très bien pu être Islandais) Payne était une couleur, avec sa musique brute et mélancolique, avec son spleen, avec ses tonalités mineures, elle se rapprocherait vraisemblablement d’un gris.
Avec cette lumière qui semble transpercer de la brume, avec cette féminité apportée par la chanteuse Joanna Lorho, ces côtés calmes, rêveurs et méditatifs, à ce gris on pourrait apporter des nuances bleutées.
Comme il n’y a jamais de hasard et comme Joanna Lorho est également portée sur l’art picturale, le gris de Payne est une nuance de gris légèrement bleutée, mise au point par un aquarelliste Anglais du même nom à la fin du XIXème. Rarement nom aura aussi bien correspondu avec sa musique. Et, si le groupe tend vers une certaine épure, faisant même une presque éloge de la disparition ("The Wrong Boy"), il n’oublie jamais que les arrangements, ici portés par un violoncelle et un piano, sont un excellent moyen pour porter les émotions.
Joanna Lorho possède-t-elle comme le compositeur Russe Scriabine le don de synopsie, forme de synesthésie qui touche les personnes qui associent des sons à des couleurs, des couleurs à des sons ou qui entendent en couleur ? En tout cas, elle maîtrise les compositions et une écriture soignée assumant une belle fragilité, une écriture sachant tirer sur la corde sensible, sans aucune sorte de sensiblerie ("Feed the Dark", "White Mountain") ou aller vers plus de lumière ("What I Deserve", "The Barn" ou "June"). Entendre en couleur, entendre cette nuance de gris légèrement bleutée, entendre cette mélancolie comme du velours.
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