Vaudeville d'après l'oeuvre éponyme de Georges Feydeau, mise en scène de Florence Le Corre et Philippe Person, avec Zoé Bensimon, Lucas Bottini, Nicolas Bouillis, Emmanuelle Le Cabin Saint Marcel, Gloria Hérault, Alexandre Zelenkin, Eric Julliard, Julie Pacheco, Pierre-Louis Paillusseau, Alice Persain, Manon Menin et Valentin Rapilly.
Pour présenter les élèves de la première promotion de l'Ecole d'art dramatique du Lucernaire nouvellement créée qu'il dirige, Philippe Person a procédé à un triple choix aussi judicieux que pertinent. D'une part, avec le choix d'un fleuron du théâtre de boulevard de la Belle Epoque au succès éprouvé, "Le Dindon" de Georges Feydeau, comédie des moeurs conjugales et satire sur le mode burlesque de la tartufferie bourgeoise érigée en gardienne de la vertu morale qui renvoie dos à dos les époux qui ne pensent "qu'à ça", la gaudriole pour les maris, le constat d'adultère pour les épouses. D'autre part, par sa distribution conséquente et ses personnages archétypaux, cette partition s'avère un efficace support de scène dite "de révélation" permettant d'apprécier la nature et l'emploi des jeunes acteurs dans une large amplitude. Ainsi certains sont prêts à assurer la relève au café-théâtre alors que d'autres manifestent un beau potentiel pour les rôles du répertoire. Enfin, il propose une adaptation habilement resserrée à un format standard, notamment par la suppression des scènes récurrentes de la sonnette, pour laquelle il a constitué deux troupes ce qui évite le brouillage, voire la cacophonie, lié à la pluralité d'interprètes pour un même rôle. Philippe Person co-signe avec Florence Le Corre une mise en scène qui opte pour le parti-pris de "pousser à l’extrême les codes du vaudeville". Le rythme est donc soutenu, voire trépidant, et exacerbé par l'énergie et le plaisir du jeu des officiants.
Doublement courtisée, par "un ami"
de la maison, célibataire qui brûle la chandelle par les deux bouts (Valentin Rapilly parfait) également amateur de cocottes telle Armandine (Zoé Bensimon coquette aguichante),
et un inconnu pressant (Pierre-Louis Paillusseau frénétique) fier-à-bras filant doux devant une épouse harnachée new fetish (Emmanuelle Le Cabin Saint Marcel piquante),
la jolie Lucienne (Alice Persain délicieuse) soumet son acquiescement à la preuve de la trahison de son mari (Alexandre Zelenkin) placide qui ne semble pas un foudre de guerre.
Mais l'habit ne fait pas le moine et il est relancé à domicile par une
maîtresse anglaise survoltée (Julie Pacheco pétulante dotée d'une ravageuse nature comique) dotée d'un soupçonneux époux d'origine marseillaise (Nicolas Bouillis tonitruant) ce qui entraîne tout ce petit monde dans la fameuse chambre 39 de l’Hôtel Ultimus.
Et cela sous le regard blasé du personnel ancillaire (Gloria Hérault et Eric Julliard, tous deux quasi-ionesciens, épatants tant dans la parodie que l'absurde inquiétant, elle en femme de chambre qui en a vu d'autres, lui avec son humour pince sans rire en valet bordeline, débonnaire commissaire en imperméable et tenancier "peace and love", et l'éffarement d'un couple "intrus"
(Lucas Bottini assuré et Manon Menin imparable en sourde et gourde immature entichée de Minnie).
Quelques inserts musicaux des années 1960-1970 dont l'inoxydable "Ti amo", des lumières disco pour les intermèdes, et la fête aux infidèles bat son plein. |