Le deuxième jour commence par une étude du ciel en bonne et due forme, nez levé, yeux plissés, pour déterminer si oui ou non boue il y aura. Les applications spécialisées dans le climat divergent sur ce point, de telle sorte qu'on décide de faire ça à l'ancienne, c'est-à-dire de laisser la nature décider sans nous prévenir.
De toute façon, la prestation de Tash Sultana est telle qu'on se moque littéralement du temps qu'il fait. Cet petit être féminin d'une vingtaine d'années, qui alterne sourire de satisfaction et grimace de détermination, semble un génie musical à elle toute seule, maniant le solo de guitare, le beatbox comme la pédale loop avec brio. Tash Sultana porte sa musique, profondément alternative, avec du charisme et de l'énergie, de l'originalité et de la puissance, tout droit venus d'Australie, pour tenir seule la deuxième scène des Eurocks : bref, on la félicite pour ce bel aplomb et ce joli talent.
On aime décidément beaucoup cette nouvelle Loggia, qui s'anime bien plus généreusement qu'avant. Concrètement, le fait que le public passe devant cette scène – et volontiers s'y arrête – donne tout son sens à cet heureux déplacement. C'est le cas pour All them witches, qui attire la foule par un stoner rock mêlé de blues et de hard très intéressant, progressif et cérébral – preuve en est, on réécoute depuis l'excellent « Sleeping during the war ».
Pendant ce temps, la Plage s'entiche d'un hip-hop qu'il me plaît d'éviter.
On file donc voir les énervés d'Idles, qui, ma foi, poursuivent ce cercle musical vertueux de ce début de deuxième jour. Avec Idles sur la Grande scène – que je déserte clairement cette année - on continue à monter en puissance : on assiste à du vrai post punk sur scène, c'est-à-dire sale et qui sonne faux (tous les clips du groupe jouent la carte contraire, rassurez-vous), pendant que des musiciens déjantés ragent ou jouent avec photographes et public. En les écoutant, on a envie de filer en Angleterre, pour boire une pinte au fin fond d'un pub et se prendre la tête avec son voisin de comptoir pour que le tout finisse en baston. Comme dans les films, quoi.
La tension et la motivation retombe complètement avec Devendra Banhart, estampillé pop folk, qui nous fait cet effet paradoxal – et malheureusement si fréquent – qui consiste à déserter le concert assez rapidement en raison de l'ennui visuel qu'il véhicule, et à découvrir, écouter et carrément apprécier le groupe une fois rentrée.
Cela nous permet néanmoins de voir la fin du concert des excellents Blues Pills, qui mettent le feu... à la Loggia toujours, complètement the place to be depuis deux jours. Pourquoi par de captations vidéos d'Arte Concerts de cette scène, d'ailleurs ?
Parce qu'on a vu et entendu Thiéfaine assez de fois à notre goût, on décide de se prendre LA claque scénique et visuelle du jour avec Psykup. Pour eux j'apprends que c'est une renaissance, pour moi, c'est une première découverte. Du metal français chanté en anglais, cousin germain de Pleymo, avec une bonne dose de mise en scène et de headbang : on ne peut qu'adhérer.
Et comme il en faut pour tous les goûts, on court voir Parcels, parce que la disco – pardon : l' « electro pop », c'est la vie. Bien sûr, on ne peut pas nier que les petits, aussi souriants que sur une photo de classe, sont soutenus depuis quelque temps par Daft Punk et que ça nous émoustille un peu. C'est frais, vivant, généreux, dansant, complètement retro, complètement génial, et surtout très convaincant techniquement et scéniquement.
On n'a peur ni des antithèses ni des antipodes, de fait passer de Parcels à Gojira s'apparente à une partie de plaisir plus qu'à un retournement de veste. Les Français, qui ont conquis mon cœur durant le Download cette année, confirme, entre deux coups de flamme, la beauté de leur talent et de leur état d'esprit. Dommage que la Greenroom – et les groupes qui s'y trouvent - soient cette année systématiquement dissimulés derrière un écran de fumée épaisse qui empêche clairement les photographes de bosser correctement...
Bouquet final : Editors. La présence incroyable de Tom Smith sur scène, légère par les gestes et grave par la voix, assure d'emblée au public de vivre un moment d'anthologie. Même si tous les titres ne se valent pas mélodiquement, selon moi, le live leur confère une aura incontestable qui clôt ma journée de la manière la plus heureuse qui soit. Sans hésiter, ce deuxième jour sera le meilleur de cette édition 2017. |