Après 2 jours sur le site du festival Beauregard, on peut commencer à tirer quelques conclusions de cette 9e édition. Le site est toujours très agréable et on y trouve des zones ombragées. Le public est bon enfant, les familles sont les bienvenues. On y croise aussi quelques fauteuils roulants avec des accès spécialement prévus à leur intention.
Avec 65.000 festivaliers sur trois jours, Beauregard reste un évènement à taille humaine. Notre stand préféré demeure celui de la dégustation de fromages normands (avec aussi distribution de petits sablés et de caramels au beurre salé). Enfin la programmation a privilégié la qualité et l'exigence à quelques gros noms qui auraient pu mettre en péril l'équilibre financier, toujours sur la corde raide, du festival.
Arrivé à la toute fin de la prestation du groupe de Lisieux Fake, j'entends dire que celui-ci, malgré quelques longueurs durant leur set, a un beau potentiel dans le style trip-hop à la Archive.
Pour moi le dimanche commence fort puisque Fai Baba me saisit après seulement quelques minutes sur le site. Avec 5 albums au compteur, les suisses de Zurich balancent un blues rock qui va autant chercher chez Captain Beefheart que chez les White Stripes. Et lorsqu'on voit arriver le batteur Domi Chansorn uniquement vétu d'un slip sur scène, on se dit que l'après-midi sera chaude.
Plus sage, c'est ensuite Tinariwen qui vient distiller son blues touareg électrique dans les bocages normands. En costume traditionnel, lorsque le guitariste s'adresse au public pour dire "Il fait chaud chez vous. il faut faire quelque chose contre le soleil.", un sourire illumine les visages des quelques 10.000 festivaliers présents devant la scène à cette heure. Les premiers rangs dansent, tandis que plus loin les autres festivaliers profitent de la musique et du soleil assis dans l'herbe, la musique de Tinariwen a transporté le public bien loin de ses soucis quotidiens.
Les pionniers hip hop de House of Pain réussissent dès les premiers morceaux à faire sauter le public. Par contre, il est temps de rejoindre la conférence de presse des organisateurs de Beauregard. On entendra "Jump around" de loin à la fin d'un concert qui avait l'air énorme.
Pour ceux qui, comme moi avant ce concert, ne connaissent pas Michael Kiwanuka il est facile à reconnaître : il a les mêmes lunettes à monture dorée qu'Isaac Hayes et la coupe afro d'Isaac Washington, le barman de La Croisière S'Amuse. C'est pourtant plutôt à la soul funk de Curtis Mayfield que les chansons de l'anglais nous font penser. Encadré d'excellents musiciens, c'est aussi un chanteur à la voix exceptionnelle. Gros coup de coeur de cette journée pour moi.
Jagwar Ma s'est inspiré du meilleur de la pop madchester. C'est-à-dire qu'ils ont gardé l'énergie, les rythmes, l'inspiration chimique... mais ont laissé la coupe au bol au chanteur de Phoenix passé la veille sur le festival. Malgré un concert que j'ai trouvé enlevé (alors que, par ailleurs, on me fait savoir que ce n'est pas un de leurs meilleurs concerts en France), le public a du mal à suivre la folie des australiens. Il faut dire que les premiers rangs sont déjà squattés par les fans quinqua et sexagénaires d'Hubert-Félix Thiéfaine dont les substances sont plus vaporeuses que celles qui inspirent Jagwar Ma. La venue d'un festivalier venu déguisé en banane qui fait danser dans les premiers rangs une hubert-félixophile en robe à fleurs et de trente ans son aînée, fait naître un regard un peu étonné dans l'oeil du chanteur de Jagwar Ma. La rencontre entre le groupe et les festivaliers de Beauregard semble ne pas s'être aussi bien déroulée que prévu. Tant pis.
Sur la grande scène, les britanniques de The Foals profitent de la jeunesse du public, déjà en place pour la tête d'affiche Die Antwoord. Le concert met un peu de temps à démarrer, mais c'est avec "A Knife In The Ocean" que le set décolle enfin. Le déluge de guitares sur les derniers morceaux transforme ce concert en succès mérité.
Hubert-Félix Thiéfaine jouait ce soir-là avec l'Orchestre de Normandie qui fut à plusieurs reprises longuement applaudi par le public. Pourtant quelle débauche de moyens pour pas grand-chose ! Hormis sur quelques intros, comme celle d' "Alligator 427", la formation classique ne servait à rien, noyée sous les solos bavards d'Alice Botté. Lorsqu'on utilise une formation classique, on travaille les arrangements afin de laisser de l'espace aux envolées de cordes ou à la puissance des instruments à vent, et on ponctue avec les instruments électriques. Ici, tout a été fait à l'envers. Autant essayer de faire rentrer la Vologne dans un petit Grégory, et non l'inverse. Or la prestation de Thiéfaine était bonne, même s'il semblait parfois un peu emprunté.
Enfin, ce sont les sud-africains de Die Antwoord qui clôturent cette 9e édition de Beauregard. Devant un public chauffé à blanc, une structure pyramidale à trois niveaux permet à Ninja et Yo-landi Vi$$er d'occuper complètement la scène. DJ Vuilgeboost est au sommet de la pyramide, tandis que deux danseuses, parfois dans des costumes de dinosaures, ou en sweat avec capuche et mini-short, complètent la formation. Si Ninja s'adresse au public, parfois même avec quelques mots de français, la voix de Yo-landi Vi$$er semble quasiment entièrement enregistrée. Les versions live sont extrêmement proches des versions studio et, même si le public est très chaud, les singles assortis d'un clip diffusé en même temps sur les écrans géants font encore monter l'hystérie d'un cran. Contrat amplement rempli pour Die Antwoord qui clôture en beauté cette édition de Beauregard.
Il paraît que la 10e édition du festival l'année prochaine nous réserve des surprises. On attend de voir cela avec impatience, |