Ce disque du jeune et talentueux trompettiste Américain Ambrose Akinmusire est très intéressant à plus d’un titre.
D’abord, c’est un live. Comme son nom l’indique, A rift in Decorum : Live at the Village Vanguard a été enregistré, en quatre nuits, dans l’historique club New-Yorkais. Et les enregistrements en concert permettent de se rendre compte de la performance scénique, du danger (des failles aussi) que le musicien peut mettre dans ses interprétations (thèmes ou improvisations). Ce genre d’enregistrement est une réelle mise à nue. Dans ce genre de musique, il est à ce moment-là impossible dans le fond de tricher.
Ensuite la formation : trompette, piano (Sam Harris), batterie (Justin Brown) et contrebasse (Harish Raghavan). Une formation sans saxophoniste mais avec une rythmique qui met le trompettiste à l’honneur et lui offre toute la liberté dont il a besoin. Une rythmique qui suit, soutient, appuie les inflexions musicales de leur leader. Sans lui, elle n’est rien mais l’inverse est absolument vrai également et les musiciens s’entendent à merveille.
Enfin, ce disque marque inconsciemment ou non, un passage, une transition dans la carrière d’Akinmusire. Une transition déjà amorcée dans The Imagined Savior Is Far Easier To Paint et qui voit le musicien Américain faire évoluer son jazz post-bop élaboré vers des contrées plus free, vers des paysages musicaux de plus en plus sophistiqués et exigeants. Alors il y a toujours cette poésie, cette virtuosité, ce superbe phrasé souvent tranchant mais le musicien se déplace vers de nouveaux territoires presque plus abstraits.
Comme à l’os, débarrassé de toute fioriture, dans le son (et donc dans l’écoute), avec quasiment une simplicité dans la forme mais avec une réelle profondeur, le trompettiste, mais les autres musiciens ne sont pas en reste, Justin Brown est assez épatant, offre une musique bouillonnante, où la surprise est aussi importante que la technique ou l’intensité sonore. Il y a quelque chose de très intellectuel (harmoniquement notamment) dans cette musique, trop sûrement pour certains, mais il y a aussi de l’expressionnisme. Avec Ambrose Akinmusire, on a cette impression d’ouvrir une porte et de se retrouver face à paysage musicale qui semble ne plus finir. Un disque comme une preuve de plus de l’incroyable talent de ce trompettiste. |