Lourde tâche que de résumer 4 jours de concerts dans le plus grand et le plus éclectique des festivals français. Complet depuis plus de 2 mois, les Vieilles Charrues n'ont plus rien à prouver en matière de professionalisme, de bonne communication et se posent une fois encore comme l'événement incontournable de l'été pour de nombreux jeunes bretons (et plus).
La météo clémente sans une goutte de pluie rajoutera un point positif à cette édition mais ce qui nous importe avant tout est la programmation musicale. Et si les têtes d'affiche Manu Chao ou Renaud pouvaient faire hésiter les mélomanes exigeants, elle révélera de belles perles, et de très bonnes surprises pendant ce long week end du 14 juillet.
Dès le jeudi, tandis que -M- présentait son joli voyage à Bamako et que Manu Chao éblouissait la prairie de Kerampuilh avec ses mélodies entêtantes quoique franchement répétitives, il y avait la possibilité pour le rockeur curieux de découvrir la quatrième scène, installée sous le chapiteau, près de la world food et des délicieuses glaces bio et ayant malheureusement une fausse réputation de scène bretonnante.
Pour ce jour, point de scène en hauteur mais juste quelques planches sous le chapiteau, au niveau des spectateurs, comme un endroit improvisé, un concert dans un bar où le premier rang peut presque toucher les artistes. Ou recevoir les postillons comme dans le premier concert avec les anglais déchainés de Shame, qui avaient déjà fait sensation lors de la Route du Rock et dont le chanteur, mix crasseux entre Shaun Ryder et Ian Curtis, donnera toute son énergie pour le premier grand concert rock de la soirée avec ses musiciens montés sur ressort.
Sur cette scène, et dans cette ambiance intime avec quelques centaines de spectateurs seulement, leur succéderont les rennais très attendus de Totorro et leur joyeux post rock chaloupé qu'on ne présente même plus dans la capitale bretonne. Suivra la fanfare moderne de Meute, tous de rouge vêtus avec leurs grosses caisses électro et cuivres débonnaires.
Si on oubliera vite la prestation de PNL, les deux personnages autotunés à l'extreme, naviguant sur scène en fumant avec leurs copains sur de la musique enregistrée, il est à noter que parmi la sélection hip hop de cette année, c'est Georgio qui tirera son épingle du jeu, scène Graal le samedi, avec ses musiciens et ses textes sombres mais travaillés, plus proches de Programme que de Kery James.
Suivra un grand moment d'émotion avec le concert de Renaud. Plus de voix, peu de rythme, pas de look, pathétique diront certains, mais tellement émouvant. Peut être une des dernières tournées du chanteur fatigué mais dont les dizaines de tubes hanteront toujours les mémoires de fans très nombreux dans la prairie.
Phoenix, le méga-groupe français le plus méconnu dans son pays, fera un show incroyable en milieu de soirée avec une scénographie exceptionnelle, miroir incliné dans le dos et des jeux de lumières et vidéos de toute beauté pour une relecture du dernier album au milieu de leurs nombreux tubes. Un des meilleurs moments de ce festival.
Dans ce week end qui n'en finit pas, on laissera de côté la variété un peu fade de Vianney et la folie gonflante de Camille pour retourner sur la quatrième scène avec la charmante activiste turque Gaye Su Akyol. Dans sa cape de super héroïne et accompagné de son groupe, elle mélange musique orientale et rythmes rocks occidentaux. On retrouvera au même endroit le lendemain une découverte québécoise des surprenants Frères Berthiaume mélant musique moderne et chants traditionnels. Que de plaisirs sous ce chapiteau !
Retour ensuite vers la scène Graal pour voir le local Robert le Magnifique accompagné par les Totorro pour un set electro-post-rock de toute beauté, tout en désinvolture, comme un concert privé destiné à la petite foule ayant abandonné les grosses scènes pour venir se détendre avec des samples, des vieilles machines et des grosses guitares.
Pour la soirée, passage du chaud au froid en allant du joli concert d'Arcade Fire, autrement moins intéressant que son dernier passage à Carhaix mais qui a plu à tous les fans attendant avec impatience leur groupe canadien préféré, puis le mini concert de M.I.A. où il fallut attendre 15 minutes au début et qu'elle quitta 15 minutes avant la fin. Peut être le seul petit raté de l'année.
Puis retour à la grâce avec l'excellent concert de Jean Michel Jarre. Ce qui semblait un gros risque de programmer le maestro de l'électro des eighties en haut de l'affiche se transforme sur scène en magnifique spectacle. Ecrans géants, jeu de LED gigantesque, artiste qui va au devant du public, tout y est. Tout y est sauf peut être le public justement qui a du mal à remuer sur Oxygène ou autres titres de Zoolook.
Déjà le dernier jour de festival avec une entrée en matière electro-trash avec La Femme tout en costumes traditionnels basques. Concours de mauvais goût avec les danseuses (et danseur), intermède Paquito dans le public. Comme le diront les membres du groupe en conférence de presse, après quatre jours de tente et de bière, le public veut se détendre avec un concert moins sérieux. De ce côté là c'est mission réussie.
Plus sérieux, Seasick Steve fera son excellent job de bluesman américain terminant même son set avec ses fans en plein milieu du public. Un public accroché aux barrières du premier rang pour attendre le grand retour de Matmatah aux Vieilles Charrues. Avec un nouvel album fidèle à la réputation du groupe Brestois, ils étaient nombreux à attendre leur retour sur scène. Réussi mais parfois un peu mou. On préférera peut être réécouter les disques, dont le dernier bien sûr.
Après deux détours pour revoir Octave Noire et Radio Elvis déjà appréciés à Art Rock, on terminera avec le calme et l'excellence de Paolo Conte et son orchestre. Tout en subtilités le maître italien régale le public de Kerouac de toutes ses chansons inoubliables en cette fin d'après midi ensoleillée.
Une fois de plus, une édition quasi parfaite de ce très grand festival qui parvient à provoquer tous les mélanges et tous les rapprochements. |