C’est dans la cour ombragée d’un hôtel parisien qu’Antoine Wielemans et Lionel Vancauwenberghe, les deux têtes pensantes du groupe belge Girls in Hawaïi nous ont reçus pour parler de leur nouvel album, le très réussi Nocturne qui sortira le 29 septembre. A quelques jours de leur concert à Rock en Seine, les deux artistes semblent plus détendus et confiants en leur musique que jamais… Une histoire d’intuitions et de lâcher-prise qu’ils ont bien voulu nous raconter.
Depuis la sortie de votre album précédent Everest en 2013 et du live Hello Strange, que s’est-il passé ?
Antoine : On s’est remis au travail très rapidement ! Lio et moi, on démarrait par un petit café le matin : on se racontait des trucs, avant de retourner travailler chacun de notre côté l’après-midi sur des maquettes. On a fait 35 morceaux comme ça, en quelques mois, avec l’idée de morceaux plus dépouillés et moins chargés. Cette phase était très simple, plus zen que sur les autres albums.
Lionel : On voulait aussi garder l’énergie de la tournée "Everest" qui avait été hyper nourrissante. Pour cet album, on est parti sur quelque chose de plus synthétique et moins boisé, dans l’esprit du live "Hello Strange" où chaque instrument avait sa place. Ça nous a permis peut-être de faire sur Nocturne un disque plus parcimonieux.
Vous avez de nouveau travaillé avec Luuk Cox le réalisateur d’Everest. C’était une façon de créer des passerelles entre les deux disques ?
Antoine : A l’époque d’Everest, on est arrivés en studio avec des morceaux quasiment finis. Il n’y avait pas énormément de latitude pour notre producteur et pour le groupe. A la fin de l’enregistrement, les idées étaient beaucoup moins claires et on s’est beaucoup amusés en studio. Donc là, quand Luuk a entendu nos maquettes, qui étaient beaucoup moins finalisées, il était très excité et voulait qu’on rentre directement en studio et qu’on arrête surtout de travailler sur nos morceaux. On lui a vraiment filé les clés de l’album.
Lionel : Du coup, on a eu plein de bonnes surprises ! C’est un peu bizarre au début d’avoir quelqu’un qui construit quelque chose autour de ton morceau, qui déplace un peu les meubles dans ton appart en gros. Mais rapidement cela a abouti à un résultat très positif que l’on n’aurait certainement pas obtenu sans lui.
Antoine : On avait envie de faire un disque avec moins d’éléments, mais mieux choisis et mieux travaillés.
Lionel : Auparavant, on avait peut-être un manque de confiance et cela se traduisait par beaucoup de couches, beaucoup trop de choses à dire dans les morceaux.
Antoine : On a écouté beaucoup de hip-hop et de musiques urbaines et on est fasciné par le minimalisme de ces artistes : juste une voix, un beat, un sample. On rêvait d’aller vers quelque chose comme ça.
Les premiers retours sur ce nouvel album font souvent référence à Radiohead. C’est une référence que vous revendiquez et/ou que vous assumez ?
Antoine : Ce n’est pas le pire groupe auquel tu peux être comparé !
Lionel : C’est une de nos influences, c’est certain.
Antoine : D’autant que cela véhicule l’idée d’un groupe très exigeant, qui continue à explorer beaucoup, à ne pas être dans la facilité. Ça nous inspire ! Nocturne n’est pas un disque en rupture, on avait vraiment envie de poursuivre la démarche d'Everest et de la pousser beaucoup plus loin.
C’est surtout notre façon d’écrire la musique qui a changé. Par exemple, sur cet album, on s’est interdit de composer des morceaux à la guitare. Il y en a encore quelques-unes, bien sûr, mais les titres ont été écrits sur une boite-à-rythme et des claviers.
A quoi fait référence le titre de l’album Nocturne ?
Antoine : On aime qu’il y ait du sens dans le titre de nos albums et qu’il ne soit pas trop évident. Everest en était chargé parce que c’était l’album du renouveau du groupe et qu’il évoquait beaucoup la perte de Denis (Denis Wielemans, batteur du groupe et frère de Lionel, décédé accidentellement en 2010). Tout y était très instinctif – presque vital. Pour celui-ci, on ne savait pas trop quels thèmes aborder. Du coup, Lionel et moi on a fait chacun quelques séances d’hypnoses pour explorer nos langages inconscients. On voulait laisser venir les choses, écrire sur ce qui nous passait par la tête. Du coup, tout l’album a pris comme ça une ambiance d’écriture automatique. L’image que l’on a eue tout de suite en tête pour illustrer cette musique provenait du monde de la nuit : pas celui de la fête, mais plutôt celui des rêves. On voulait un titre et une pochette (une peinture de l’anglais Tom Hammick) qui transmettent cela.
Quels sont les sujets qui vous inspirent ?
Lionel : Avant, on fonctionnait comme un groupe un peu post-adolescent, un peu romantique où l’on s’auscultait beaucoup. Puis, on a vécu un événement qui nous a obligé à sortir un peu de nous-même et on a plus voulu y retourner. La solution, c’était donc de parler de ce qu’il y avait autour de nous. Ça ne voulait pas forcément dire parler de l’actualité, mais en tous cas, c’était parler d’autre chose que de soi-même. Paradoxalement, on voulait faire un disque inspiré de l’hypnose, mais il n’a jamais été aussi précis et concret dans les thèmes abordés !
Comment avez-vous préparé votre retour sur scène et cette nouvelle tournée ?
Antoine : On n’est pas un groupe qui répète pendant des mois avant de rentrer en studio. La première fois où l’on joue les morceaux en groupe, c’est quand l’album est fini. Il y a donc toute une relecture qui se fait du disque avant d’arriver à la version live. Notre défi maintenant, c’est de trouver comment faire sonner ces morceaux, qui ont été enregistrés sans guitares, sur scène !
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