Les disques qui peuplent le label Wild Silence sont toujours le fait de véritables artisans du son. L’exigence est toujours au service de la musique, pas de superflu mais véritablement de la matière. Et ici encore, c’est la matière sonore qui est travaillée.

Rien d’étonnant, Pauline Nadrigny, la musicienne qui se cache derrière Lodz, après une formation pianistique, s’est attaquée à la musique assistée par ordinateur, qu’elle a abordé de manière instinctive avant de s’intéresser, de manière philosophique ou non, aux objets musicaux et à leurs traitements. Doit-on voir ce disque comme simplement une somme d’objets musicaux ? Pour Pierre Schaeffer (Cf. À la recherche d'une musique concrète (1952), Traité des objets musicaux (1966), l'objet sonore est l’élargissement de la notion de note à tout ce qui est audible, en excluant toute valeur esthétique.

Chez Lodz, il y a quelque chose comme chez Maurizio Kagel, Alfred Schnittke, Luciano Berio ou György Kurtág, de l’ordre du timbre (le piano par exemple dans le titre "Herbstzeitlosen"), de la texture, des formes, de la matière. Une traversée des esthétiques, du néo-classique à la noise aussi. Un travail sur la voix : aussi bien la façon de chanter que la tessiture, le phrasé ou la langue (allemand, français, anglais, yiddish), le silence et le rythme. Dans le titre "De la plus haute tour", Pauline Nadrigny cite Philippe Jaccottet : "Qu’est-ce donc que le chant ? Rien qu’une sorte de regard". C’est une excellente définition de sa musique : un regard. Le regard de la musicienne.

Ce Settlement peut être considéré comme un disque intellectuel, mais dans le bon sens du terme, l’intelligence au service de la musique, en acceptant aussi les accidents, en permettant aussi aux petits rien d’apparaître. Et tout cela sans perdre une once de poésie. "Il fait sombre à l'extérieur, il fait sombre à l'extérieur et tard dans la nuit, pas un bourdonnement, pas un remède, pas un oiseau est sur l'aile dans la rue. Où étiez-vous ? Je veux avoir un mot avec vous. Où étiez-vous ? Je veux te parler".