Réalisé par Lila Pinell et Chloé Mahieu. France. Drame/Biopic. 1h18 (Sortie le 20 septembre 2017). Avec Sarah Bramms, Dinara Droukarova, Xavier Dias, Carla-Marie Santerre, Aurélie Faula, Amanda Pierre, Noémie Carroué et Cassandra Perotin.
L'année dernière, un film, "Graine de champion" de Simon Lereng Wilmont et Victor Kossakovsky racontait la vie de trois "bébés champions, en l'occurrence un "sumotori", un escrimeur et une danseuse. Il y a quelques années, Thomas Bardinet avait suivi dans "la petite mêlée" les premiers passes et drops de jeunes rugbymen de Bordeaux-Bègles.
Avec "Kiss & Cry" de Lina Pinell et Chloé Mahieu, c'est un moment-clé des jeunes athlètes de haut-niveau qui est mis en avant : celui où tout peut s'arrêter au moment où l'adolescence contredit l'ascèse nécessaire à ses jeunes gens qui accumulent depuis des années des heures et des heures d'entraînement intensif.
Face à l'usure consécutive à ses séances répétitives et fatigantes où le sportif doit faire ses gammes, face à l'absence de psychologie d'entraîneurs qui les insultent ou ne les respectent pas beaucoup, face à des parents qui rêvent de moins en moins discrètement de gloire pour leurs enfants et se projettent fébrilement à travers eux, les athlètes ados peuvent craquer.
Dans "Kiss & Cry" de Lina Pinell et Chloé Mahieu, on suit Sarah, patineuse douée qui commence à se poser des questions sur son devenir, qui ne supporte plus le langage de charretier de Xavier son entraîneur, voit enfin le jeu de sa mère qui vit en elle par procuration et qui désormais la stresse et l'inhibe plus qu'elle ne l'encourage.
Auteurs d'un court-métrage, "Boucle piqué" (2012) avec les mêmes protagonistes du club de Colmar que dans "Kiss & Cry", Lina Pinell et Chloé Mahieu ont, cette fois-ci, choisi de traiter leur sujet en utilisant la fiction.
Une fiction quand même très orientée vers le documentaire, puisque, à part Dinara Droukarova qui joue la mère de Sarah, tous les autres personnages sont incarnés par des amateurs.
Dès lors le suspense peut courir: Sarah saura-t-elle supporter la pression infernale dont elle est victime ou préfèrera-t-elle prendre la tangente vers un ailleurs sans paillettes ni médailles d'or ?
Dans "Kiss & Cry" de Lina Pinell et Chloé Mahieu sont saisies des jeunes filles au moment où leur corps change et où se dessine vraiment leur avenir dans leur discipline. Moment douloureux où les unes perdent la grâce sur les patins et les autres ne supportent plus la manière dont elles sont traitées.
Il faut dire que Xavier Dias a bien du mérite - à moins que ce soit de l'inconscience - de se montrer tel qu'il est : odieux et sans limite. Ce qu'il dit à ces jeunes filles qui travaillent leurs corps pour un sport "artistique" est franchement révoltant. Seul Audiard aurait pu lui mettre artificiellement en bouche les formules grossières qu'il prodigue sans ménagement à ses jeunes et fragiles élèves.
Dans ce film mi-fiction mi-documentaire, on s'interrogera forcément sur la part de vérité et de mensonge de son discours et l'on mesurera toute la singularité de ce film où tout semble vrai alors qu'on se doute qu'il y a là une sacrée part d'artifice.
Passionnant de bout en bout, "Kiss & Cry" de Lina Pinell et Chloé Mahieu vaut pour le courage de ses patineuses, Sarah Bramms en tête, et pose question sur ces milliers de jeunes garçons et filles qui jouent leur enfance pour une hypothétique gloire et a fortiori une possible carrière lucrative dans le sport.
Miroir aux alouettes, cimetière des ambitions et des illusions perdues, ces patinoires ou ces stades qui bruissent de pleurs et de blessures fatales cachent des destins perdus à jamais à un âge où pour les autres, toujours enfants, rien n'est encore esquissé de leur vie future.
Un film sur l'adolescence dont on pourra tirer des leçons utiles, qu'on soit ou pas parent d'enfants sportifs. |