The National, c’est avant tout une voix, celle de Matt Berninger, voix grave de baryton qui semble condamnée à ne chanter que des choses tristes et mélancoliques. The National, c’est aussi une histoire de famille, deux paires de frères (Aaron et Bryce Dessner, Bryan et Scott Devendorf) qui subliment cette voix de velours et les histoires qu’elle nous raconte par une orchestration d'orfèvre. L’ambiance est feutrée et sombre, et malgré quelques lueurs semble rester souvent dans l’ombre, mais on s’y sent bien comme chez soi au coin du feu une longue nuit d’automne.
Les 5 membres du groupe vivant aux quatre coins du globe Paris, Copenhague, Cincinnati, Long Island, et s’étant dispersé entre nouveaux projets et collaborations, musiques de films et même une chanson pour "Games Of Thrones", avaient besoin d’un endroit au calme qui soit leur "chez eux", c’est pourquoi ils ont décidé de construire leur propre studio dans les montagnes de l’état de New York. C’est sans aucun doute crucial pour la genèse de ce nouvel album au point que c’est une photo de cet "home sweet home" qui orne la pochette du disque tout en nuances de gris (avec quelques touches d’un bleu électrique).
Dans ce nouveau lieu, plus de contrainte, de pression ou de promiscuité d’un studio professionnel en location, mais un enregistrement "à la maison" qui leur a laissé le temps de faire un disque qui leur ressemble vraiment. Quatre années ont été nécessaires pour façonner cette oeuvre qui vient côtoyer les bijoux que sont les albums High Violet et Boxer et fait un peu oublier le succès plus mitigé du prédécesseur Trouble Will Find Me. Sleep Well Beast, leur septième album est donc sorti le 8 septembre sur le label 4AD pour accompagner la déprime de la rentrée et la chute des premières feuilles.
Dans cet album le groupe nous dévoile plusieurs visages, des ballades au piano, des chansons plus rock, et des chansons plus expérimentales.
Les premières sont d’une beauté sublime, tristes mais assez lumineuses et mettent vraiment en valeur la voix du chanteur. Ce sont "Nobody Will Be There", "Born To Beg" "Guilty Party" ou "Carin At The Liquor Store" qui pour moi sont des pierres précieuses particulièrement bien taillés. "Dark Side Of The Gym" et tout aussi belle même si place du piano est moins primordiale, mais elle a ce petit effet "valse" qui en fait la plus dansante de l’album, ça change un peu.
Les secondes sont des compositions classiques de The National, rien de révolutionnaire mais toujours plaisantes à écouter. Si on met un peu de côté "Turtleneck" qui à mon goût est beaucoup trop brute et pas vraiment agréable, les singles "Day I Die" et surtout "The System Only Sleep In Total Darkness" sont bien construites, à la fois accessibles dès la première écoute et révélant des trésors cachés après plusieurs passages dans les oreilles.
Les troisièmes changent énormément de ce qu’avait pu faire le groupe jusqu’alors, et fait rapidement penser au virage électronique pris par Radiohead à une certaine époque, l’intro de "Sleep Well Beast" peut être même un peu trop "inspirée" par cette période, mais quand c’est par petites touches électros qui viennent accompagner des mélodies à la guitare c’est très appréciable comme dans "Walk It Back", "Empire Line" ou "I’ll Still Destroy You".
The National évoque des thèmes plus joyeux les uns que les autres tels que la séparation, la fuite face aux problèmes, le désespoir, les difficultés des relations humaines et de l’emprise du temps sur nos vies.
Du temps, The National en a pris plus que d’habitude pour façonner cet album et c’est plutôt une réussite, on est transporté par les mélodies et la batterie toute en retenue, par l’ambiance et les thèmes sombres et la voix du chanteur que je compte vous l’aurez compris parmi les plus belles voix des groupes de rock.
On pourra aller voir la bête qui sommeille en eux se réveiller sur scène lors du Pitchfork Music Festival le 2 novembre à la Villette à la fin d’une soirée "carte blanche" programmée par leurs soins.
Le clip de "Guilty Party", tout en bleu blanc et rouge où on peut voir le fameux studio :
# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher
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