Damned ! Un premier roman de cette ampleur ! Avec ces mots, ces implicites et ces tournures ! Mais… Mais… Cela signifierait-il donc qu’Angela Flournoy soit la descendante directe de Salinger ? Jeune et dynamique, elle vous épatera avec La Maison des Turner, un grand roman dans le plus pur style vintage de la grande littérature américaine.
D’une écriture bichonnée aux ellipses et aux coïncidences, La Maison des Turner raconte la vie et les épopées individuelles de la vaste famille Turner, treize frères et sœurs qui chicanent et se jalousent dans les corridors de la maison de Yarrow Street. Cinquante ans de la vie de ces murs défilent entre les pages du roman, des naissances et des décès, des victoires et des coups bas, des rires et des larmes.
Une inquiétude réunit les membres de la famille au tout début du roman : en pleine crise des subprimes, vendre ou ne pas vendre la maison ? Crise signifie : pas d’acheteur, et crise signifie aussi : gouffre financier de garder ces murs. Que faire alors ? Lelah est la plus jeune. Elle squatte la maison après avoir perdu ses maigres biens aux jeux. Cha-cha est le plus vieux. A deux doigts de la retraite, il combat ses démons intérieurs et assume comme il le peut ce rôle de chef de famille qui lui est tombé dessus sans prévenir.
Puis on remonte dans le temps, quand Viola et Francis (les parents) s’installent dans la ville de Detroit à la fin de la seconde guerre mondiale. A force de travail et de sueur, le couple d’afro-américaine se fait une place dans la ville. Mais le déclin industriel des années 60 les frappe de plein fouet. La misère recouvre la ville de son grand manteau de fournitures avariées, alcool, drogue et délit de faciès reviennent en force, dans un pays où le voisin est suspect.
Le roman oscille entre passé et présent, nous faisant vivre la chute d’une cité lumière. Detroit est désormais célèbre pour ses quartiers mal famés et ses usines désaffectées. La crise de 2008 n’a pas oublié la destination sur son plan de banqueroute. Rien de bien folichon tout ça, n’est-ce pas ?
Mais La Maison des Turner n’est pas que ça, elle n’est pas une désagréable description de la ruine d’une ville qui plaça sa confiance dans les mauvaises avancées. Parce que le roman oscille également entre joies et peines. Les souvenirs d’enfance de ces treize garnements et de leurs parents a la nostalgie des récits au coin du feu. L’essence de la famille Turner coule entre les lignes. La patte d’Angela Flournoy imprime la préciosité des relations fraternelles et la solidarité face aux problèmes familiaux.
Des comptes en banque maigres, des réunions de famille stériles, des blagues connues, des photos sur les murs, des carcasses rouillées, des engueulades feintes et des rires tonitruants, La Maison des Turner parle de la famille et de la ville de Detroit, de sa splendide âme à ses démons souterrains. Paul Auster n’a qu’à bien se tenir, Angela est dans la place. |