L’interprétation de la musique n’est fort heureusement pas une science exacte. Chaque musicien se doit d’avoir en lui une part de chercheur, d’être toujours en quête d’absolu, d’être continuellement capable de se remettre en question et de pousser plus loin sa vision musicale, tout en étant capable de renoncer à ses certitudes.
Il est toujours très intéressant de comparer les enregistrements d’une même œuvre distants de nombreuses années (les symphonies de Beethoven par Harnoncourt, les variations goldberg de Bach par Gould, Les symphonies de Mahler par Bernstein, les concertos pour piano de Beethoven par Richter…).
Cinquante ans plus tard, le pianiste Brésilien revient donc à Brahms qu’il ne quitte jamais vraiment et à la sonate n°3 en fa mineur. Comment donner une suite à un premier enregistrement à la reconnaissance critique et publique ? Bien que séparées par près d'un demi-siècle, les deux versions enregistrées de la sonate sont remarquablement proches dans leur durée, à peine une minute de plus dans la nouvelle version pour une œuvre qui en dure un peu plus de trente !
Le temps ne change rien à l’affaire et la maîtrise technique du pianiste est toujours au rendez-vous. Freire nous donne toujours à entendre la diversité des climats (le superbe second mouvement qui doit beaucoup à l'adagio de la sonate n°8 (pathétique) de Beethoven où l’amour ne peut être que funeste puisque le thème est repris dans le quatrième mouvement à l’atmosphère nettement plus lugubre). L’exécution est plus libre, peut-être mieux pensée dans sa structure, dans ses respirations mais elle perd en énergie pure.
Même si l’on regrette un côté un peu pataud parfois (les deux intermezzos de l’opus 76 où la liberté des formes aurait mérité un traitement peut-être moins révérencieux), on ne peut que saluer cette vision de la musique de Brahms, toujours plus lumineuse que sombre. |