Monologue tragi-comique de Bruno George interprété par Fred Saurel dans une mise en scène de Jean-Philippe Azéma.
Avec le décor naturaliste de Benjamin Lavarone, l'immersion dans l'épouvantable monde parallèle et noir de la rue, celui des SDF, et plus précisément dans celui trivial et prosaïque de la Tribu très avinée des Nez rouges, est immédiate.
Le guide est Fred dit Batman qui, survit dans son pré-carré, tente Quetchua, kitchenette de fortune et commodités privatives rustiques, émergeant d'une longue nuit de biture.
Et il cause, cause, cause beaucoup car atteint du syndrome du "Soliloque de Grimm". Alors il raconte les habitants en perdition et les moeurs violentes d'un lieu-ghetto mortifère et, surtout, entre évocation douloureuse du passé et désolation du présent, sa descente aux enfers, de son éphémère carrière de comédien qui l'a conduit à devenir une "viande saoûle", à l'abandon de la belle Nelly.
Le monologue de Bruno George ne s'inscrit pas dans la tradition théâtrale de la figure tragique, voire céleste, ou du miroir existentiel du clochard, du "Roi Lear" shakespearien au gardien pinterien en passant notamment par le duo beckettien attendant Godot, mais dans une veine tragi-comique.
Sans verser ni dans l’idéalisation ni dans la victimisation, il livre le portrait réaliste d'un homme dans l'inexorable dénuement d'une humanité déchue sous forme d'un monologue tragi-comique écrit sur mesure pour le comédien Fred Saurel.
Avec sa "bille de clown" aux faux airs coluchiens et sa verve truculente, Fred Saurel réussit, sous la direction avisée de Jean-Philippe Azéma qui veille à éviter l'écueil du numéro d'acteur et de l'émotion pathétique, une belle composition réaliste.
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