Fréderic Lenormand est un romancier connu déjà couronné de nombreux prix pour ses polars historiques. Pour son dernier roman, Seules les femmes sont éternelles, il s’est inspiré de l’histoire vraie de Paul Grappe, soldat déserteur qui s’est travesti en femme pour ne pas être envoyé dans les tranchées, et dont la vie a également été adaptée à l’écran par André Téchiné récemment avec le film Nos années folles.
Le livre se passe au début de la grande guerre quand un policier, Ray Février, décide de trouver un moyen pour échapper à la mobilisation et aux tranchées. Ray Février n’aime pas la guerre, il en a peur surtout et sait que celle-là sera longue et meurtrière. Son idée, il va la trouver auprès d’une prostituée. C’est elle, Léonie, qui va le transformer en femme, puisque les femmes ne sont jamais mobilisées sur le front. Etre une femme, c’est encore plus la chance de ne jamais être poilu. Ray Février devient alors "Loulou Chandeleur", sans profession, sans revenu mais avec l’assurance d’éviter cette maudite guerre.
Il va alors répondre à l’annonce d’un cabinet de détectives qui recherche des collaborateurs pour remplacer ceux partis à la guerre. Dans l’agence Barnett, Loulou devient alors détective privé en bas de soie et chapeau à voilette. Il se rend compte alors qu’il est aussi bon flic en robe qu’en pantalon et surtout, qu’il est peut-être meilleur homme qu’auparavant.
Avec cette nouvelle casquette, Loulou va pouvoir reprendre une affaire que le policier qu’il était n’avait pas pu élucider ; celle d’une riche épouse de banquier qui s’inquiète pour son fils parti au front qui reçoit des lettres de rançon en échange de la vie de son fils.
Aux côtés de la patronne de l’agence de détectives, la charmante Miss Barnett, qui ne connaît pas son secret, Loulou enquête. Quand le maître-chanteur commence à mettre son plan à exécution et que les meurtres se multiplient, le duo plonge dans une succession de surprises et de pièges périlleux.
L’intrigue est plaisante, comprenant de nombreux rebondissements qui nous embarquent jusqu’à la découverte du coupable. Certes, on n’est pas dans la veine des thrillers américains car ici, le polar a une dimension historique et sociologique, qui est toute autant intéressante que l’intrigue pour qui aime l’Histoire.
Fréderic Lenormand nous parle d’une époque au travers du livre, celle de la Grande Guerre, des conditions de vie et des difficultés rencontrées par l’arrière. Les livres sur les conditions de vie dans les tranchées sont légion, ceux sur l’arrière un peu moins nombreux. Fréderic Lenormand nous parle aussi d’une condition, celle des femmes, avant leur émancipation. C’est dans la peau d’une femme que Ray va se rendre compte de leur situation, de l’attitude des hommes à leur égard. Il est regardé, il attire les hommes et subit leur comportement. Il finira même par prendre la défense des femmes dans une usine. Il évoque aussi l’homosexualité, clandestine et interdite à l’époque, vue sous les traits d’une femme.
Seules les femmes sont éternelles est pour finir un livre truffé d’humour qui repose souvent sur des situations ou des dialogues, sur le duo formé avec Miss Barnett aussi. Loulou a des vieux réflexes masculins qui font sourire, il continue par exemple parfois de se retourner sur des jolies filles dans la rue.
On imagine que le duo de détective reviendra bientôt dans un autre polar de l’auteur que l’on aura un grand plaisir à retrouver tant Seules les femmes sont éternelles nous a donné du plaisir. |