J’ai découvert Stephen Greenblatt un peu par hasard il y a quelques mois en lisant son dernier livre Adam et Ève qui m’avait fasciné. Curieux de nature, et comme je le fais toujours avec les auteurs que je découvre, je me suis immédiatement lancé dans sa bibliographie du bonhomme pour prolonger le plaisir. J’ai alors découvert que son précédent livre, Quattrocento, remarqué et désigné comme meilleur livre d’histoire en 2013 par le magazine Lire venait juste de (re)sortir dans une version collector par les éditions Flammarion.
Quelques jours plus tard, j’avais l’immense plaisir de trouver dans ma boîte aux lettres ce superbe objet, envoyé par les éditions Flammarion. Une belle couverture, une belle reliure, on a alors presque l’impression d’avoir un manuscrit entre les mains. Ne reste plus qu’à l’ouvrir, en espérant prendre le même plaisir que celui pris avec Adam et Eve. Un bien bel objet à mettre au pied du sapin pour ceux qui aiment les livres qui parlent d’Histoire.
N’y allons donc pas par quatre chemins, Stephen Greenblatt est bel et bien un formidable conteur et Quattrocento est un superbe livre, dans tous les sens du terme. Je pense même avoir pris encore plus de plaisir à lire ce livre que le précédent car il est véritablement un livre d’Histoire quand Adam & Eve avait aussi une dimension philosophique. Et comme j’enseigne l’histoire, vous comprenez bien que ce livre m’a particulièrement intéressé.
Néanmoins, Quattrocento ne s’adresse pas uniquement aux historiens ou enseignants en histoire, tout comme Adam & Eve avait un formidable don de vulgarisation philosophique. Avec ses talents de conteur, Stephen Greenblatt nous livre un quattrocento lisible par tous, formidablement passionnant. Toujours érudit et brillant, l’auteur nous embarque au cœur d’une période historique foisonnante, le quattrocento.
En s’interrogeant sur l’événement qui fait passer l’histoire du Moyen Âge à la Renaissance, l’auteur enquête sur l’importance qu’a pu prendre un livre dans cet événement. Vers 1417, un homme, un humaniste, parcourt les monastères à la recherche de manuscrits anciens donnant accès aux textes de l’antiquité. Cet homme, le Pogge, connu pour avoir servi de nombreux papes, découvre dans un monastère allemand un manuscrit qui avait disparu de la circulation, le De Rerum Natura de Lucrèce. Sa redécouverte et sa diffusion va changer le monde, le précipitant dans les temps moderne en influençant les esprits aussi puissants que ceux de Montaigne ou de Machiavel.
Ce livre va influencer les arts, influencer la réflexion de Machiavel sur le pouvoir, nourrir la science de Galilée et de Copernic, inspiré Shakespeare et Molière dans leurs pièces de théâtre et marqué profondément l’œuvre de Montaigne qui le citera très souvent dans ses œuvres.
A travers ce manuscrit, l’auteur nous montre l’importance capitale de ce livre dans la construction de notre monde occidental. Il nous raconte aussi le passage du Moyen Âge à la Renaissance à travers les progrès dans la connaissance et la redécouverte de l’Antiquité. Le livre nous raconte en même temps l’histoire de ce personnage incroyable, Le Pogge, à l’origine de la découverte de ce manuscrit.
Une fois encore, Stephen Greenblatt nous livre un ouvrage intelligent et érudit qui nous permet de sortir de sa lecture profondément enrichi de connaissances sur la construction de notre monde. L’histoire de ce manuscrit est tout simplement fascinante sous la plume de Stephen Greenblatt. On voyage dans le temps et dans l’espace, entre roman et essai, sans aucune prétention historique mais au travers d’une recherche fouillée, comme on y est déjà habitué par les livres de l’auteur.
On le sait, Stephen Greenblatt, a tendance à agacer les historiens ! Et bien tant pis pour eux, car il ravit les gens qui apprécient l’Histoire. Et c’est bien là l’essentiel. |