"En amour les adverbes sont en trop, qu’on le veuille ou non, on aime ou on n’aime pas."
C’est par ces mots que commence la quatrième de couverture du livre de Rafael Chirbes, Paris-Austerlitz, sorti au mois d’octobre dernier aux éditions Rivages. Paris-Austerlitz est le dernier roman d’un des plus grands romanciers européens, mort en 2015 alors qu’il venait de connaître un succès mondial avec son livre Sur le rivage.
Rafael Chirbes travaillait sur ce livre depuis vingt ans. Avec une étrange et frénétique fulgurance, il a achevé Paris-Austerlitz quelques mois avant de mourir, concluant ainsi une œuvre majeure par un texte exceptionnel composé de 123 pages sublimes. L’histoire est celle d’un jeune peintre espagnol qui se souvient de la liaison qu’il a eu avec Michel à Paris. Tout les oppose, l’âge, la classe sociale, même l’apparence. Pourtant, ils vont vivre une histoire inoubliable. Michel est ouvrier, il a 30 ans de plus que lui mais cela ne les empêche pas de vivre un amour.
A travers le livre, à leurs côtés, on traverse les méandres de la passion, de la parenthèse enchantée des premiers jours à la fin de l’innocence. L’ombre de la maladie et de la mort planant sur les amants, le roman d’amour devient alors un superbe chant funèbre.
Dans Paris-Austerlitz, Rafael Chirbes a fait le choix de remonter le temps, commençant par nous décrire les blessures corporelles de Michel sur son lit d’hôpital, rongé par le SIDA. Le narrateur, devenu son ami et non plus son amant, l’accompagne vers son dernier souffle, avec des souvenirs qui reviennent de façon désordonnée : leur rencontre dans un bar, leurs silhouettes différentes, leurs tournées des bistrots, leurs promenades dans Paris, les petits plats qu’ils se faisaient, la recherche d’un appartement, leur rupture aussi. Des instants de vie en somme, à deux. L’auteur nous montre aussi, au fil des souvenirs, comment leur différences, au final, ont provoqué le délitement de leur amour.
Ce très court roman est un texte poignant d’une infinie beauté mélancolique sur la passion, sur la disparition et la mort aussi, et sur la difficulté de faire accepter son homosexualité dans sa famille. C’est enfin et surtout un livre sur la culpabilité, celle du narrateur qui abandonna Michel en mettant fin à leur relation. Le livre nous offre une scène émouvante quand il se voit une dernière fois, où la lâcheté du narrateur peut nous désarçonner ou même nous révolter. Les sentiments du narrateur sont confus, il est perdu et ses réactions vis-à-vis de son ancien amour peuvent être surprenantes.
Rafael Chirbes confirme avec ce roman d’un amour tourmenté l’immense talent qu’il avait pour nous raconter des histoires. Paris-Austerlitz nous donne l’envie de découvrir ses précédents livres pour mieux s’imprégner de son œuvre. |