Comédie dramatique de Herb Gardner, mise en scène de Jean-Claude Berutti, avec Itsik Elbaz, Lotfi Yahya Jedidi, Axel De Booseré, Aylin Yay, François Bertrand, William Clobus, Ferdinand Despy, Antoine Herbulot, Clément Papachristou, Bernadette Riga et Marvin Schlick.
Une salle de café où le bois domine (épatante scénographie de Rudy Sabounghi), au dessus de laquelle une tête de bison empaillé est suspendue, symbole de l'Amérique, tout comme le portrait de Roosevelt qui orne un des murs.
Quelques tables, un grand juke-box et au fond une cloison translucide qui laisse voir dans l'autre salle, un bar et l'entrée des clients.
C'est en 1976 dans ce café de Canal street à New-York que démarre cette histoire, l'histoire de Charlie qui va la revivre à travers les années dans ce même café, depuis l'ouverture en 1936 au moment de la fête nationale par son père Isaac Goldberg (Itsik Elbaz, formidable), rebaptisé Eddie Ross par désir d'intégration.
L'intégration, c'est le maître-mot de cet homme grande gueule et volontaire, ancien boxeur, qui ne rêve que de s'enrichir et d'ouvrir un établissement dans les quartiers chics.
Charlie n'est alors qu'un bébé mais n'oubliera rien de ses premières années où son père le pressait de parler. Timide et rêveur, il deviendra auteur à succès en prenant les personnages de ce café pour modèles, à commencer par ce père irascible et bûté.
Charlie, le narrateur (Axel De Booseré, sobre et juste) ne quittera pas la scène, assistant au film de sa vie, telle une présence invisible qui commente de temps à autre ou parle aux personnages sans qu'ils l'entendent.
La pièce d'Herb Gardner, véritable succès aux Etats-Unis, fort bien traduite par Jean-Claude Grumberg, relate la la saga de cette famille juive arrivée d'Odessa et dont le père veut à tout prix faire oublier ses origines, source selon lui de problèmes et frein à son ascension sociale.
Mise en scène avec maestria par Jean-Claude Berutti qui réunit une brochette d'acteurs talentueux (il faudrait tous les citer), "Conversations avec mon père" se suit avec plaisir à travers les époques, réussissant à évoquer de façon universelle une histoire personnelle avec des répliques percutantes et toute une galerie de personnages truculents et cocasses.
Dominée par de vrais scènes de comédie, la pièce exprime au fond le drame de millions de juifs dans cette période tourmentée des années 30 à 50, du nazisme et de l'antisémitisme ordinaire.
Les conversations violentes et amères entre le père et le fils et la fin poignante donnent à "Conversations avec mon père" la force des grandes pièces, que toute la Compagnie Jean-Claude Berutti défend avec un exceptionnel engagement.
Une très belle réussite. |