La rentrée littéraire de janvier nous emmène vers des contrées lointaines, l’Inde en l’occurrence, avec le livre Le colis, écrit par Anosh Irani, publié aux éditions Philippe Rey. Anosh Irani est né et a été élevé à Bombay avant d’aller s’installer au Canada en 1988. Il est déjà l’auteur de trois romans primés et acclamés par la critique, dont Le chant de la cité sans tristesse, déjà publié aux éditions Philippe Rey.
L’histoire se passe à Kamathipura, le quartier rouge de Bombay. On suit Madhu, une hijra, née dans un corps d’homme, amputée de ses attributs sexuels masculins à l’âge de 12 ans, sorte de troisième sexe, ni homme ni femme, comme il en existe près de deux millions en Inde. Agé d’une quarantaine d’années, elle a connu la prostitution avant d’être réduite à la mendicité auprès de sa gurumai, sa guide. Par l’entremise de cette dernière, elle se voit confier une mission qu’elle ne peut pas refuser par une tenancière redoutée, madame Padma.
Cette mission consiste à s’occuper d’un colis. Les colis, à Kamathipura, ce sont des fillettes vendues par leurs familles pour devenir des esclaves sexuelles, à qui il faut faire comprendre que leur sort est déjà scellé et qu’elles ne pourront jamais s’échapper. Ces fillettes seront alors intégrées à un vaste trafic sexuel parfaitement organisé et hiérarchisé générant de très grands profits.
Madhu a donc en charge une jeune fille qu’elle va devoir préparer à la prostitution. Cela va être l’occasion pour elle de voir remonter beaucoup de souvenirs à son esprit : son enfance engoncée dans un corps qui n’était pas le sien, sa rencontre avec sa gurumai qui fera d’elle une hijra, le rejet de sa famille, ses années de prostitution, ses regrets et ses remords. Auprès de cette jeune fille, elle va chercher à respecter sa mission d’asservissement en essayant de la protéger le plus possible.
Avec Le colis, on plonge alors au cœur de ce quartier rouge terrifiant qui considère les enfants et les jeunes comme des marchandises, où la corruption domine tout, où l’avenir de ces jeunes est déjà figé, où l’espoir n’existe pas et où l’humanité est absente. On rentre aussi dans ce monde des hijras, cette communauté indienne qui forme une caste et qui, entre malédiction et bénédiction, inspire tantôt la crainte, tantôt le respect.
Les personnages du roman d’Anosh Irani sont saisissants de réalisme, les descriptions de Bombay aussi, nous permettant de nous accrocher très facilement dans cette histoire captivante. La voix et les prises de conscience du personnage principale Madhu résonnent tout au long du livre. On la comprend parfois, elle nous surprend souvent, on l’aime puis on la déteste mais elle ne nous laisse jamais indifférent et c’est bien cela qui fait la force de ce superbe livre qu’est Le colis.
Anosh Irani que je ne connaissais pas encore, fait donc partie de ses auteurs que je vais dorénavant suivre avec une grande attention. |