Réalisé par Jan P. Matuszynski. Pologne. Drame. 2h03 (Sortie le 17 janvier 2018). Avec Andrzej Seweryn, Dawid Ogrodnik, Aleksandra Konieczna, Andrzej Chyra, Magdalena Boczarska, Zofia Perczynska, Danuta Nagórna et Alicja Karluk.
Tout ici, sauf malheureusement le titre anglophone du film, respire ce fantastique bien particulier qui caractérise la Pologne et que l'on oublie souvent comme étant justement une part essentielle de la "polonité".
Aussi tragique et sordide, que sarcastique et morbide, cette composante de l'âme polonaise se lit dans les grandes œuvres modernes d'artistes comme Gombrowicz ou Polanski.
Dans "The Last Family" de Jan P. Matuszynski, le personnage central, peintre surréaliste, claustrophobe, enfermé dans son HLM d'une banlieue lointaine avec de quoi tout enregistrer de sa vie repliée et de celle de ses proches, correspond bien au genre d'artistes que l'on vient de décrire. Mais si Andrzej Seweryn incarne formidablement Zdzislaw Beksinski, ce peintre totalement à part, "The Last Family" n'est pas à proprement parler un "biopic"
C'est une œuvre étrange où rode la mort dans la banalité d'un quotidien sans événements notables. Autour de Beksinski, il y a sa femme, magnifiquement interprétée par Aleksandra Koniecza, elle aussi parcourue par des idées constantes de mort et de désastre, et son fils Thomasz, diseur radiophonique également à la frontière du réel et de l'autre monde, suicidaire et bien ravagé.
Pour son premier film, Jan P. Matuszynski n'a donc pas choisi la facilité. L'ambiance est lourde, parsemée de scènes très signifiantes faisant vite échouer l'amorce de moments humoristiques, de changements de ton pouvant emporter les Beksinski dans un autre univers que dans celui où ils n'attendent finalement que le prochain mort sur la liste fatale.
"The Last Family" de Jan P. Matuszynski emporte la conviction même s'il faut être un fin connaisseur de l'âme polonaise pour y trouver matière à rire ou à s'émouvoir. Parfois, on aperçoit une œuvre de Zdzislaw Beksinski, comme dans le plan final, et il n'y a pas besoin de discussion pour comprendre dans quel univers mental navigue le peintre. Andrzej Seweryn en fait un être pétri de curiosité, une curiosité qu'on pourra trouver malsaine quand elle l'entraîne à filmer la mise au tombeau de sa mère.
Sauf Thomasz, le fils, quand il enregistre ses textes ou parle à un psy, les personnages parlent peu, ne s'expliquent pas plus, et à l'instar d'un Polanski, le réalisateur peut filmer un fantasme à la place du réel, sans forcément l'indiquer clairement, sans que cela nuise vraiment à la compréhension du film.
Il faut souligner combien, pour une première œuvre de fiction, le réalisateur, par ailleurs documentariste, fait preuve d'une grande maîtrise et tient parfaitement son sujet.
Sans doute un peu éprouvant par sa forme comme par son fond pour certains spectateurs, "The Last Family" de Jan P. Matuszynski n'en est pas moins un film original, riche en images fortes et fournissant un portrait fracassé mais pourtant fidèle d'un peintre talentueux. |