Jean-Baptiste Lully : Alceste, ou le triomphe d'Alcide
(Aparte Music) décembre 2017
"Dieu ! Le bel opéra ! Rien de plus pitoyable ! Cerbère y vient japper d'un aboi lamentable ! Oh ! Quelle musique de chien ! Oh ! Quelle musique du diable !"
L’histoire entre Les talens Lyriques, Christophe Rousset et Jean-Baptiste Lully (1632-1687) est l’histoire d’une réussite. Les sept disques (Persée, Roland, Armide, Amadis, Phaéton, Bellérophon et cet Alceste) du compositeur d'origine italienne naturalisé français enregistrés par l’ensemble et le chef et claveciniste Français sont tous un véritable succès critique. En quelques années, Les talens Lyriques et Christophe Rousset sont passés maître du style et de l’écriture Lulliste au point d’être devenus un (le ?) véritable intournable du genre.
Après Cadmus et Hermione, Alceste est la deuxième tragédie en musique du duo Quinault-Lully. Elle s'ordonne en un prologue et cinq actes, ce qui deviendra un modèle pour de nombreux compositeurs. La représentation à l’Académie royale de musique en 1674 provoqua une vive polémique. Lully et son librettiste Quinault s’attirèrent les critiques de leurs détracteurs (Corneille et Racine n’admettant pas que l’on puisse venir jouer sur leur propre terrain...) lors de la création parisienne.
Lully était déjà en proie à l’époque à une cabale contre lui. Certains jugèrent son privilège à l’Académie Royale de musique (lui donnant le monopole de l’opéra en France) honteux. Ceux-ci dénoncèrent également le livret trop librement inspiré par l’œuvre d’Euripide, l’abandon de l’unité d’action et l’ajout d’éléments plus légers dans un genre académique. L’immense succès de la représentation à la cour ainsi que les nombreuses reprises effacèrent toutes ses critiques.
Avec cet opéra et en poursuivant ce qu’ils avaient commencé avec Cadmus et Hermione, Lully et Quinault permirent le développement d’un nouveau genre entre dramaturgie et comédie, où musique et verbe convergent ensemble pour devenir emblématique du style français. L’exécution d’Alceste au château de Versailles en 1674 à l’occasion des grandes fêtes organisées pour la reconquête de la Franche-Comté marque le succès de ce mode d’expression dont s’empareront les compositeurs d’opéra français pour longtemps.
La force également de cette tragédie où l’intrigue principale provient de la mythologie grecque est de parler d'amour et de pouvoir de manière absolument contemporaine, en des mots qui résonnèrent largement aux oreilles de Louis XIV. Alcide est amoureux de la belle Alceste qui est promise à Admète. Celui-ci est blessé dans un combat contre les Parques qui acceptent de le laisser vivant si quelqu’un se sacrifie à sa place. Alceste se dévoue. Alcide décide d’aller chercher Alceste aux Enfers mais à l’unique condition qu’elle lui revienne ensuite. À leur retour des Enfers, les adieux entre les deux amoureux sont si poignants qu'Alcide abandonne Alceste à Admète. La victoire d’Alcide est son triomphe face à la mort. Quinault adapte le texte d’Euripide à son esthétique et à son temps renvoyant l’image de grandeur, de noblesse et de gloire du roi soleil. On y retrouve un certain faste, et de nombreux divertissements prétextes à la danse et aux chœurs sans rien perdre d’une réelle force poétique et dramatique.
L’interprétation est ici d’une rare élégance et finesse et donne toute sa splendeur, toute sa majesté à l’œuvre de Lully, le chœur à l’importance considérable chez Lully est magnifiquement exécuté. Une nouvelle fois, Les talens Lyriques, Le Chœur de Chambre de Namur et Christophe Rousset rendent une partition absolument impeccable de bout en bout, pleine de contrastes (entre puissance et lyrisme) et de dynamiques, seul bémol pour Judith Van Wanroij en Alceste trop souvent monocorde et pas toujours très intelligible ce qui est dommage vue la beauté du texte. Absolument remarquable.
De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.