Marc Biancarelli
(Editions Actes Sud) janvier 2018
Lire le dernier livre de Marc Biancarelli, Massacre des Innocents, publié aux éditions Actes Sud, c’est un peu comme déambuler dans un musée, comme assister à un vernissage. Son dernier livre, à la structure narrative originale, est un ouvrage exigeant, qui nécessite une lecture attentive. Construit sous la forme de tableau, 18 au total, répartis sur deux parties, l’écriture visuelle de l’auteur nous narre l’histoire du Batavia, un navire affrété par la compagnie des indes orientales qui s’abima au large de l’Australie en 1629.
De ce naufrage, 250 rescapés arrivèrent à rejoindre des îlots rocailleux avant d’être victimes d’un immense massacre orchestré par l’intendant Jéronymus Cornelisz, être cruel, violent et abject. Face à lui, les mains tachées du sang des innocents qu’il a exterminés durant sa carrière de soldat, se dressa Weybbe Hayes, qui prit la tête d’une résistance, sauvant une poignée de naufragés.
Cette histoire, de ce bateau et du massacre qui s’en suivit est connue de nombreux historiens. La littérature s’empara aussi du sujet, notamment après la découverte de l’épave au début des années 60. Sous la plume de Marc Biancarelli, cet évènement, le naufrage et le massacre s’échappe peu à peu du récit pour prendre la vraie dimension du roman. Massacre des Innocents est donc un livre qui s’appuie sur des faits réels auxquels l’auteur ajoute des faits inventés.
Très vite, l’aventure du Batavia va se retrouver sur un plan secondaire, nous entraînant sur une réflexion sur la nature humaine, au travers d’un épisode monstrueux, articulé sur les actions et la psychologie de trois personnages principaux (les deux hommes qui s’opposent et une magnifique femme Lucretia qui se trouvait sur le bateau) merveilleusement bien décrits par l’auteur. Les comportements des différents naufragés sont analysés. Ces hommes se retrouvent contaminés par le mal, intégrés dans un cercle vicieux dont ils ne peuvent plus s’extraire. Certains passages du livre sont extrêmement violents. Et la mort est omniprésente dans le livre. De nombreux personnages sont humiliés. Lucrétia subit beaucoup d’humiliation dans le roman mais elle demeure la vraie héroïne, celle qui apporte la résistance et la victoire.
Pour mieux nous imprégner des personnages, Marc Biancarelli remonte leur histoire pour mieux comprendre leur attitude dans ce naufrage. Cornelisz, par exemple, est un apothicaire qui a fait faillite, un être déchu, qui a fuit en prenant place dans le Batavia. Son passé, sa situation explique en partie ses actions après le naufrage. Il va se réaliser de nouveau par le mal, au travers d’actions néfastes. Il s’accommode très bien avec le mal d’ailleurs.
Avec Massacre des Innocents, Marc Biancarelli nous offre donc une peinture romanesque de cet épisode du Batavia. La tragédie s’impose très vite dans le livre mais la résistance est bien présente, autour de Weybbe Hayes. Massacre des innocents devient alors aussi un roman sur la survie, sur la nature aussi avec comme toile de fond le 17ème siècle, siècle marqué par les conflits et la barbarie.
Le 17ème siècle, c’est aussi le siècle de la peinture et ce n’est donc pas par hasard que l’auteur choisit cette narration sous la forme de tableaux. Massacre des Innocents est d’ailleurs le titre d’un tableau, de Van Haarlem qui est d’ailleurs décrit sur de longues pages dans le livre. Marc Biancarelli nous parle de nombreux peintres hollandais dans son livre, certains devenant même des personnages dans le livre.
Livre déroutant donc, exigeant à la lecture car tellement différent des romans classiques dans sa construction, Massacre des Innocents est un livre qu’il faut avoir au départ le courage de continuer pour se rendre compte au final qu’on a connu une expérience littéraire originale et passionnante.
J’ai découvert avec ce livre cet auteur, je suis ravi.
De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.