Monologue théâtral d'après une oeuvre de Tertullien conçu et interprété par Hervé Briaux dans une mise en scène de Patrick Pineau.
Paradoxal s'avère le choix d'un comédien de dispenser non un éloge du théâtre mais un brûlot élaboré à partir d'un antique traité contre les spectacles.
Mais Hervé Briaux a suffisamment exploré le texte rédigé par Quintus Septimius Florens Tertullianus dit Tertullien, lettré, écrivain et théologien, pour, d'une part, dresser le portrait de ce lettré, fils de centurion berbère, dont la conversion tardive au christianisme, déclinée selon le mode de l'intégrisme religieux, l'a transformé en ardent zélote d'un rigorisme moral et religieux absolu.
Et d'autre part, démontrer - et démonter - l'habileté et la spéciosité qui soutiennent son discours contempteur à l'encontre du théâtre.
A cet effet, Hervé Briaux a élaboré une partition qui constitue, en filigrane, une excellente dénonciation du fanatisme dès lors que la foi prônée par Tertullien, qui s'est érigé en détenteur de la Vérité majuscule, se décline non seulement en intolérance mais en haine qui conduit non seulement à prôner l'autodafé de toute littérature qui n'est pas religieuse, le port du voile intégral imposé aux femmes pour leur éviter la prostitution qui résulte de l'exposition du visage à la lumière du jour et la condamnation de tout divertissement.
Pour Tertullien, le monde se divise entre les païens, qui lors de l'évènement de l'apocalyptique jour du jugement dernier, seront voués à la damnation éternelle, et les chrétiens qui ont adhéré aux commandements divins par le baptême. Mais ceux de ces derniers qui se seront dévoyés en allant au spectacle, théâtre, jeux du cirque et du stade, et même au moindre petit plaisir, seront également condamnés pour avoir transgressé la loi divine en ce qu'elle interdit l'idôlatrie.
Hervé Briaux explicite cette ellipse, les syllogismes et la rhétorique qui étayent la doctrine tertulienne dans un opus sobrement intitulé "Tertullien" qui s'avère résolument d'essence théâtrale en ce, notamment, il érige la figure historique en personnage ridicule.
A cet effet, en costume de ville façon "man in grey", il emprunte à la forme du sermon, usant simultanément du ton de l'homélie doucereuse et des foudres de la menace telles que pratiqués par les grands orateurs du 17ème siècle et, surtout, à celui des imprécations et anathèmes hallucinés, hallucinants et parfois hypnotiques, des prédicateurs étasuniens contemporains, et dans lequel est instillée une bienvenue pointe d'humour propice à la distanciation.
Remarquable comédien, Hervé Briaux use avec sagacité, sous la direction de Patrick Pineau, de sa belle tessiture de voix et de sa maîtrise de la diction et de l'éloquence sensible pour dispenser, en adresse au public, un excellent et intelligent spectacle réflexif qui n'encourt pas la critique de divertissement stérile. |