Retrouver une partition inédite est toujours un évènement en soit d’autant plus quand elle concerne un compositeur comme Igor Stravinsky.
A la suite d’une réparation complète de l’ancien bâtiment du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, la première depuis son ouverture en 1896, de nombreuses archives ont été déplacées. Ce déménagement a permis de retrouver une partition puis toutes les parties orchestrales du Chant funèbre, œuvre composée en 1908, interprétée l’année suivante par les Concerts Symphoniques Russes puis mise de côté.
L’œuvre ainsi reconstituée a été rejouée le 2 décembre 2016 par Valeri Gergiev au théâtre Mariinsky. Intelligemment, Riccardo Chailly replace le Chant funèbre dans son contexte historique en jouant également le cycle de mélodies d’après Pouchkine, Le Faune et la Bergère (1906), Scherzo fantastique (1907) et Feu d’artifice (1908), deux pièces orchestrales composées juste avant et Le Sacre du Printemps, écrit quelques années plus tard (1911-1913). Cela permet de voir le chemin parcouru par le compositeur en quelques années même si l’oiseau de feu datant également des années 1909 et 1910 avait déjà été une fracture stylistique.
Avec Le Faune et la Bergère, le Scherzo fantastique et Feu d’artifice, nous sommes face à un Stravinsky encore en pleine recherche, encore influencé par son maître Rimsky-Korsakov. Forcément plus sombre, le Chant funèbre préfigure ce que sera L’oiseau de feu (notamment dans l’introduction lente). Même si son intérêt musical reste limité, il dégage des couleurs impressionnistes avec un esprit très français (Dukas n’est pas loin) auxquelles s’ajoutent quelques références Wagnériennes.
Pièce de choix, Le Sacre du Printemps est interprété dans une version nébuleuse, sombre et habitée, vivante, détonante partagée entre éléments très percussifs déployant de véritables sentiments de puissance et rondeurs gagnant en force guerrière ce qu’elle perd en dansant. C’est un défaut devenu de plus en plus récurrent, la transformation de cette œuvre de ballet à une sorte de poème symphonique, on le retrouve aussi chez Teodor Currentzis. Ce n’est pas forcément moins bien, hormis l’infidélité à la volonté du compositeur, c’est différent.
L’orchestre est magnifique et cela vaut pour tout le disque. Riccardo Chailly dirige superbement l’orchestre du Festival de Lucerne en succédant avec maestria à son fondateur Claudio Abbado. A noter une prise de son exceptionnelle, d’autant plus qu’elle a été réalisée en concert sans que la qualité sonore en pâtisse une seule seconde. Elle fait entendre chaque instrument, chaque son, chaque mouvement dans leurs moindres détails. |