Un doux vent finlandais vient de s’abattre sur cette rentrée littéraire d’hiver avec la sortie du livre de Kjell Westö, Nos souvenirs sont des fragments de rêves, paru aux éditions Autrement. N’ayant encore jamais lu le moindre livre de cet auteur encore inconnu pour moi, je découvre avec un grand plaisir un superbe livre sur l’enfance, l’adolescence et les secrets d’une famille finlandaise dans une fresque couvrant un demi siècle.
Le livre débute au cours d’une soirée du mois d’octobre quand le narrateur entend un bruit étrange à l’extérieur de sa maison. Il sort et voit un homme ramassant quelque chose avant de s’enfuir. Quelque temps après, un certain Alex est poignardé en pleine rue et une Sandrine disparait. A priori, il n’y a aucun lien entre ces trois évènements. Sauf que Sandrine et Alex font partie de la famille Rabell, une famille que le narrateur a bien connue autrefois. Nous voilà alors lancé, quarante ans auparavant au milieu de cette famille et des souvenirs de l’auteur.
Puissante dynastie d’Helsinki, dans les années 60, la famille Rabell vit presque recluse dans son domaine en bord de mer. Le narrateur, adolescent, se lie avec les enfants Rabell, Stella et Alex. Il devient l’ami d’Alex, puis aura une liaison amoureuse avec Stella. Tout les sépare, leur milieu social, leurs conditions de vie mais dans la fougue de leur jeunesse, ils vont faire les quatre cent coups. Ces rencontres vont changer la vie du narrateur. Puis la passion amoureuse va s’en mêler et mettre en péril le clan familial.
L’histoire est racontée du point de vue du narrateur avec des chapitres construits autour de personnages qui l’entourent ou qui sont absents. Ce narrateur, dont on ne connaît pas le nom, nous raconte sa rencontre avec une famille puissante en revenant sur sa jeunesse dans les années 70 en Finlande. Cette famille possédait un manoir dans lequel il aimait se rendre. Proche des parents de Stella et d’Alex, du grand-père aussi, il nous raconte sa vie au milieu de ceux-ci en insistant beaucoup sur sa proximité avec la maman, sur l’absence du père qui est pris par son travail soi disant (on apprendra tout autre chose ensuite).
Avec Alex, ils vont rapidement devenir inséparables et ne plus se quitter. Ils découvrent l’adolescence ensemble, s’enflamment et s’extasient sur les mêmes choses, se chamaillent aussi, se disputent souvent et se réconcilient. Avec Stella, la magnifique sœur d’Alex, il aura une relation qui durera longtemps, un amour passionnel fait de ruptures et de retrouvailles. Il aura aussi une relation avec Linda, rencontrée aussi à l’adolescence. Mais son amour, celui qui reste sera bel et bien celui porté à Stella. Comme le dit le bandeau disposé autour du livre, "on n’oublie jamais un amour de jeunesse".
Nos souvenirs sont des fragments de jeunesse est donc un superbe livre, et je pèse mes mots. C’est une grande fresque romanesque sur le temps qui passe, sur les souvenirs et sur ce qu’ils laissent en chacun de nous. Le titre du livre, magnifiquement choisi, résume bien cet état d’esprit.
Nos souvenirs sont des fragments de jeunesse est aussi un grand roman sur l’amitié, sur les relations humaines et la richesse qu’elles peuvent nous apporter. C’est aussi un grand roman d’amour sur la relation entretenue par le narrateur avec Stella.
Nos souvenirs sont des fragments de jeunesse est enfin un livre intelligent car le narrateur profite de ses souvenirs pour faire l’actualité de la période racontée. Cela donne alors une autre dimension au livre puisque l’auteur en profite pour développer des réflexions sur des sujets de société comme l’argent, la domination et le pouvoir, les changements climatiques.
J’avais peur, en lisant ce livre, au début, de tomber dans un livre à l’eau de roses sur une famille finlandaise. Il n’en est rien. Kjell Westö, avec son écriture lumineuse, nous embarque, sur près de 600 pages, dans un magnifique roman où il tire avec brio les fils du destin de cette famille finlandaise. Pas de mièvreries, pas de bons sentiments, juste des souvenirs, qui sont, au final comme des fragments de rêves. Dans ce roman, tout est beau, les personnages comme les paysages.
Et Kjell Westö, que je ne connaissais pas, est un excellent conteur, que je vais désormais devoir suivre de près. |