"We are young, we are free.." chantaient les anglais.. Et qu'attendre aujourd'hui d'un groupe britpop usé par dix ans de batailles, une décennie d'interviews par moult journalistes stagiaires et qui, de surcroît, sortait il y a un an un recueil de singles en forme d'épitaphe (Supergrass is 10) ?
La Brit' sentait le sapin et Supergrass l'herbe fraîchement coupée. Au ras des pâquerettes.
Tadadam et roulement de tambours. Supergrass prend la direction opposée de Liverpool et Manchester. Direction Rouen. Pour un Road to Rouen justement, aux virages aussi sinueux et alambiqués que le faciès de Gaz Coombes. Une embardée en terres inconnues, un périple sans cartes ni objectif. Pour atterrir en Normandie et finalement y rester pour écrire une page de plus dans l'histoire de Supergrass. Y croire encore. Et publier sans doute son meilleur album.
La touche Play enfoncée et les fesses bien calées, l'auditeur écoute "Road to Rouen" et cherche l'erreur. Guitares Led-zepiennes période "Physical Graffiti", voix de Gaz mixée en retrait et piano qui s'affole sur le palier, cet album est un fake, une private joke pour journalistes. Pas d'autres explications possibles.
Deuxième titre. "St Petersburg", single prévu pour le lancement promo. L'impression se confirme et le doute d'affirme, Supergrass a noyé bébé avec l'eau du bain. Et décrassé le moteur pour enfin laisser entendre la vraie mélodie, si loin de Pumping on your Stereo.
Mélancolique dans le mille, sensuelle et sans cible, adulte et juvénile, Supergrass trouve l'équilibre et respire la maturité sur "Sad girl", troisième titre tout en ivoire. Gaz se dérobe et Rob met les gaz, la guitare en embuscade derrière les claviers ; les frères se révèlent plus complices que les Gallagher du Manchester. Et la route défile direction Rouen, où Supergrass n'arrivera – heureusement- jamais.
Roulant dans toutes les directions sans perdre de vue la route, Supergrass n'oublie pas pour autant de prendre les auto-stoppeurs dans sa folle cavalcade. Un peu de place pour Lennon ("Low C") et Oasis ("Kick in the teeth") sur la banquette arrière, Supergrass se fiche des contrôles d'identité.
Avec Road to Rouen, Supergrass est assuré tout risque pour la prochaine décennie. Et pas d'accidents pour entamer la franchise. |